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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Le Département avait alerté les autorités des districts et les municipalités pour que le prélat constitutionnel reçût le plus patriotique accueil au passage, depuis les limites de son diocèse. On voulait donner à cette installation un caractère imposant. En ville, tout avait été organisé avec faste. L’arrivée du carrosse épiscopal dans le faubourg de Paris fut saluée par les sonneries de cloches à toutes les églises, par des salves de canon. La seule chose à quoi l’on n’eut point réussi était d’attirer la population. La cérémonie n’intéressait pas les gens avancés, pour la plupart sans croyance sinon hostiles à la « superstition ». Les autres, elle les indisposait. Pendant que le cortège descendait par les rues peu garnies, dragons réactionnaires et grenadiers patriotes échangeaient des horions sur le parvis de la cathédrale. Il fallut faire intervenir la compagnie des chasseurs pour les séparer. Le capitaine des grenadiers, l’imprimeur Farne, porta plainte au Département contre le capitaine des dragons, Delmay. Lequel riposta en accusant Farne, devant la municipalité, d’avoir voulu faire « assassiner » Marcellin par cinq grenadiers. Comme on ne donnait pas suite à sa plainte, le capitaine des dragons se rendit chez Farne, sa vieille bête noire, pour le provoquer en duel. Ne le trouvant pas, il lui laissa un cartel. Farne, du même âge que M. Delmay, ne se sentait nulle envie d’aller sur le pré ; il se réfugia au Conseil général de la Commune.
    Celui-ci était en train de noyer diplomatiquement l’affaire, lorsqu’une nouvelle rixe éclata en ville entre dragons et chas seurs. Puis il y eut un duel à six entre dragons et grenadiers, sans victimes, par bonheur, car, là encore, une patrouille intervint à temps. Cette fois, la mesure était comble. À Limoges et aux alentours, on en avait assez de l’insolence des dragons. Les patriotes des bourgades voisines, du Dorat, de Saint-Junien, annonçaient qu’ils allaient venir en force régler leur compte à ces perturbateurs. Les compagnies de fusiliers, de grenadiers, de chasseurs menaçaient de dissoudre par les armes la compagnie de cavalerie si on ne la réformait pas. Le directoire du Département, présidé par l’ancien maire Pétiniaud Beaupeyrat, ex-Ami de la Paix, un des créateurs du corps des dragons, résistait sourdement aux réquisitions du procureur-syndic Dumas. À l’hôtel Naurissane, des « honnêtes gens » préparaient une pétition en faveur de la compagnie montée ; on rejetait la responsabilité des rixes sur les autres corps et sur la municipalité, incapable, déclarait-on, de faire régner l’ordre en ville. Grâce à cette pétition, déjà signée par plus de deux cents citoyens actifs, le directoire allait pouvoir déclarer non fondées les plaintes de la Commune et les réquisitions de Dumas. Sans attendre, celui-ci s’en fut trouver le maire Nicaut. « Nous n’allons pas nous laisser jouer par ces fauteurs de troubles, lui dit-il avec son énergie habituelle. Voilà ce qu’il faut faire. » Le lendemain, 6 avril, le Conseil général de la Commune, considérant que la loi martiale lui donnait toute autorité sur les dispositions de la force armée, déclarait purement et simplement suspendue la compagnie des dragons de la garde nationale. Défense lui était faite de se réunir.
    Il y eut d’âpres protestations. Les choses ne se seraient peut-être point passées sans tumulte si, le soir même, une nouvelle stupéfiante n’était venue occuper les esprits : la mort de Mirabeau. À vrai dire, il avait expiré l’avant-veille, et il se mourait depuis le 29 mars, mais on ne le savait pas, ici. On ignorait que depuis plusieurs jours tout était suspendu dans Paris frappé d’un étonnement anxieux par la maladie du grand orateur. Même ses ennemis, même Desmoulins qui avait violemment rompu avec lui après la journée de la Bastille et qui ne cessait de l’accuser dans sa gazette, voyaient avec un sentiment de crainte s’en aller cet immense adversaire dont la puissance avait malgré tout quelque chose de mystérieusement protecteur.
    « Tous les patriotes », écrivait Desmoulins, « tous les patriotes. disent, comme Darius dans Hérodote : Histiée a soulevé l’Ionie contre moi, mais Histiée m’a sauvé quand il a rompu le pont de l’Ister ».
    Avec une délégation des Jacobins conduite par Barnave, auquel Duport, impitoyable, avait

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