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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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côte d’une Église constitutionnelle et d’une église insoumise ; celle-ci, avec le progrès des lumières dans le peuple, devant disparaître peu à peu, d’elle-même. Dorénavant la tolérance ne sera plus possible. La papauté se dresse contre le progrès humain ; elle ne laisse pas d’alternative : il faudra extirper la superstition. Les fanatiques des deux partis vont avoir beau jeu. »
    Il se passa la main sur le front, s’assit près de sa femme :
    « Ah ! ma chère amie, tout cela me tourmente fort. Je redoute une rupture entre le Roi et l’Assemblée. La situation était déjà si fragile ! Si Louis commet la moindre faute – et je crains que tout ne concoure maintenant à l’y pousser – la monarchie sera emportée comme fétu.
    — Qu’y perdrons-nous ? dit Lise d’un petit ton calme. Je ne vois pas pourquoi cette éventualité te tracasse tant, ni pourquoi tu tiens à conserver le dernier vestige de l’ancien régime. Tu étais plus avancé, il y a deux ans. On croirait que tu as peur d’achever ce que vous avez si bien commencé.
    — Ah ! çà ! s’exclama-t-il avec stupéfaction. Te voilà donc républicaine ! C’est Desmoulins qui déteint sur toi ? »
    Desmoulins avait pu enfin, l’automne précédent, épouser sa chère Lucile. Charmé par la femme de Claude lorsque celui-ci l’avait ramenée à Paris, il les avait invités tous deux à son mariage, ainsi que Robespierre, Pétion, le journaliste Brissot. Les deux jeunes femmes, presque du même âge, s’étaient tout de suite prises de sympathie. Elles suivaient ensemble les séances de l’Assemblée, en compagnie de la belle et calme M me  d’Anton. À présent, son mari signait simplement Danton. Il avait pris de l’importance en créant, avec quelques sectionnaires de son district, le Club des Cordeliers dont Jean Dubon était membre. Les Desmoulins et les Danton habitaient deux logements de la même demeure, cour du Commerce, dans la rue des Cordeliers, sur la rive gauche, entre la Sorbonne et Saint-Germain-des-Prés. Un peu à son corps défendant, quoique gagné par l’affection, Claude avait été amené ainsi à fréquenter chez les Desmoulins et les Danton, à les recevoir.
    Lise en souriant vint se poser sur les genoux de son mari.
    « La république de Camille me semble nébuleuse, dit-elle. C’est un poète. J’aimerais quelque chose d’un peu mieux fondé. En tout cas, je ne vois pas pourquoi l’État nouveau aurait besoin d’un roi, qui ne signifie plus rien. Il ne sert à rien, qu’à tout retarder. Pourquoi ne pas le laisser partir s’il en a envie ? Tout le monde est libre, n’est-ce pas ! Pourquoi ne le remplacerait-on point par des consuls, comme ceux de Rome, autrefois ?
    — Parce que, mon petit cœur, dans les circonstances actuelles ces consuls seraient inévitablement des hommes de parti. Ils déchaîneraient des luttes intestines. Tout se terminerait par un pouvoir personnel bien pire que la royauté. On commence par des consuls, on finit par un césar. Lis mieux l’histoire romaine, mon amie. Le Roi, lui, est un arbitre ; vaille que vaille, il faut le maintenir. Nous pouvons aller loin, sous son égide ; sans lui, la Révolution risquerait fort de s’anéantir dans une guerre civile. Robespierre le sent bien, voilà pourquoi il reste monarchiste. On ne saurait pourtant l’accuser de n’être pas homme de progrès. Avec sa tête folle, Camille ne voit point le risque. Quant à Danton, il a trop de force. Je me demande s’il n’est pas de ces gens qui ne vivent à l’aise que dans le défi.
    — Quel défi ?
    — N’importe lequel. Aller au-delà de toute commune mesure, tout tenter sur un coup de dés, se perdre voluptueusement dans n’importe quel excès, comme il s’est jeté, tout jeune, sur le taureau qui l’a défiguré, comme il a ensuite failli se noyer pour avoir voulu nager trop fort, trop longtemps. Camille m’a raconté tout cela, je n’en ai pas été surpris.
    — Tu as raison, dit Lise, rêveuse, il y a quelque chose de volcanique chez M. Danton, une charge explosive au milieu de sa bonhomie bourgeoise. C’est sans doute ce qui le rend si attirant malgré sa laideur. Pour en revenir à ce dont tu parlais, il me semble impossible que le Roi ne soit pas tenté d’émigrer, lui aussi. »
    C’était une opinion répandue. Depuis le départ des tantes de Louis XVI et le début d’émeute qui avait provoqué l’arrestation, dans les

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