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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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La Fayette à ses officiers. Qu’on dégage la place. »
    Les cavaliers et les maîtres, presque tous sortis des régiments royaux, avaient l’habitude de la discipline ; ils obéirent, mais les grenadiers, croisant la baïonnette, s’interposèrent. Pour arriver jusqu’à la foule, il aurait fallu leur passer sur le corps. C’était impossible. Dans si peu d’espace, les cavaliers n’avaient pas la place de charger. Ils n’en éprouvaient, du reste, aucune envie. Salués d’acclamations, ils remirent leurs sabres au fourreau. Des grenadiers entouraient la voiture royale dont ils avaient fait descendre cocher et laquais. Un sous-officier, passant sa tête à la portière, dit au monarque : « Nous vous aimons, sire, mais vous seul ! » Marie-Antoinette, le visage dans ses mains, se prit à pleurer.
    « C’est bon, fit le Roi, s’il n’est pas possible que je sorte, je vais rester. »
    Il mit pied à terre lourdement. Ralenti par sa corpulence, il se dirigea vers le palais. La Reine le suivait avec les deux enfants. En montant les marches de l’entrée, elle se retourna vers La Fayette qui les accompagnait, aussi blême qu’elle, et lui lança d’une voix frémissante : « Au moins, vous avouerez à présent que nous ne sommes pas libres ! »
    Il eût été difficile de prétendre le contraire. Lise en fit la remarque à Claude en lui racontant ce à quoi elle avait assisté. « Sans doute, lui répondit-il d’un air chagrin, tu as raison. Mais d’abord la Reine n’est peut-être pas mécontente, au fond, d’avoir établi très publiquement le fait. À tous égards, je n’aime pas cela, cependant la liberté de tous exige en ce moment que l’on restreigne la liberté de deux personnes. Le Roi, s’il est vraiment vertueux, doit comprendre la nécessité de ce sacrifice temporaire. Nous lui demandons cette preuve. D’ailleurs, cela ne durera pas. »
    En réalité, la contrainte exercée sur le monarque ne cessa de croître, les jours suivants. La Fayette avait donné sa démission. Il se montrait dans les cafés du Palais-Royal coiffé d’un bonnet de simple grenadier. Sur les instances du maire Bailly, appuyées par ses propres officiers, il reprit son commandement. Dans le même temps, le directoire du Département de Paris, effrayé par la violence de Danton et des Cordeliers, députait Sieyès, Talleyrand, le ci-devant duc de La Rochefoucauld, monarchistes convaincus, pour faire la leçon au Roi. Avec respect mais fermement, ils lui dirent qu’il devait se séparer sans équivoque des prêtres réfractaires, annoncer aux souverains étrangers qu’il avait embrassé franchement la Révolution, et que l’on ne pouvait le séparer d’elle.
    — Messieurs, répondit Louis, je sais quelles intentions vous dictent vos paroles ; je suivrai votre conseil.
    Effectivement, il se rendit au Manège où il se plaignit à l’Assemblée de la façon dont on l’avait traité, le 18. Il ajouta que l’on aurait tort de mettre en doute son attachement aux principes révolutionnaires, à la Déclaration des droits, à la Constitution, aux récents décrets. « La constitution civile du clergé, précisa-t-il, en fait partie. J’en maintiendrai l’exécution de tout mon pouvoir. » Claude, heureux de constater cette sagesse, applaudit longuement avec ses amis de la gauche.
    Le Roi alla plus loin encore. Le jour de Pâques, il entendit la messe dite par le curé constitutionnel de Saint-Germain-l’Auxerrois. La veille, le 23, il avait fait remettre, par le ministre des Affaires étrangères Montmorin, au comité diplomatique de l’Assemblée le texte d’une circulaire destinée à tous les ambassadeurs auprès des puissances. Il y déclarait notamment : « La Révolution n’est que l’anéantissement d’une foule d’abus accumulés depuis des siècles », et : « J’ai adopté sans hésiter une heureuse Constitution qui régénère à la fois mon autorité, la nation et la monarchie. » Seulement, avant même que la circulaire fût expédiée, il envoyait à tous les agents secrets recrutés par la Reine et ses fidèles l’ordre de démentir ces déclarations.
    C’est que Louis, l’incertain, l’apathique, avait pris, le 18, dans la cour où son peuple le hafouait, une inébranlable résolution. Atteint dans sa foi de catholique romain, blessé dans sa dignité, contraint dans sa personne, il était décidé à ne plus subir d’autres outrages, à ne point laisser

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