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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Tuileries mêmes, de quelques gentilshommes auxquels on avait donné le nom de « chevaliers du poignard », on parlait d’une conspiration pour enlever le Roi. On le soupçonnait d’y prêter les mains. On accusait la Reine de vouloir l’emmener en Autriche d’où il reviendrait avec une armée d’Allemands et d’émigrés.
    L’excitation augmenta, le jour des Rameaux, quand on apprit que Louis avait assisté, dans la chapelle du château, à la messe dite par un prélat non assermenté. On donnait son nom : le cardinal de Montmorency. Des voix protestaient, affirmant que Sa Majesté n’avait pas reçu la communion. On ne voulait point les entendre. Du reste, peu importait. N’était-ce pas déjà trop que le souverain eût pris le parti des réfractaires en assistant à l’office d’un non-jureur ! Danton tonnait aux Cordeliers. Ceux-ci, en ébullition, faisaient couvrir Paris d’un placard où l’on dénonçait au peuple français « le premier sujet de la Loi comme donnant l’exemple de la désobéissance et de la révolte ».
    Là-dessus, les gazettes antiroyalistes se déchaînèrent. Le lendemain 18, comme tous les ans à cette époque depuis le transfert de Versailles, la famille royale devait s’installer à Saint-Cloud. Allait-on la laisser partir ! Ne voyait-on point que ce séjour faciliterait une évasion ? Desmoulins, le journaliste Marat s’indignaient d’un voyage qui s’annonçait clairement comme la première étape d’une fuite vers la frontière et dont, écrivait Marat, le général Mottié (La Fayette) se faisait complice. Le Cordelier Fréron, dans son journal L’Orateur du peuple, interpellait violemment le Roi : « Où cours-tu ? En fuyant, tu crois raffermir ton trône, et il va s’abîmer. Si ton masque tombe aujourd’hui, demain ce sera ta couronne… Si tu pars nous saisirons tes châteaux, tes palais, nous proscrirons ta tête ! »
    Le matin du 18 avril, Lise, seule dans son salon, ravaudait une paire de bas à Claude, quand le bruit de la rue Saint-Nicaise, toujours animée, se transforma peu à peu en une rumeur. En repassant à la maison avant la séance de l’Assemblée, Claude avait dit qu’une foule s’amassait sur la place LouisXV et tout autour des Tuileries, afin d’assister au départ de la famille royale, ou plutôt pour l’empêcher, manifestement. Depuis un moment déjà, de sa chaise près de la fenêtre, Lise voyait descendre, par la rue Saint-Honoré dont elle apercevait l’angle, des compagnies de « bleuets ». Elle lâcha son ouvrage, se mit au balcon. Au-dessous d’elle, un peuple bruyant se pressait vers la place du Carrousel. Ce que la jeune femme en voyait grouillait de chapeaux, de bonnets féminins, de têtes nues sous le léger soleil d’avril. Par les deux bouts de la rue, les gens arrivaient sans cesse : des curieux et aussi des hommes venus des sections en bandes formées, conduites par des harangueurs qui semblaient résolus à soulever la foule.
    « Madame ! dit soudain derrière Lise la voix de sa grosse servante. Madame a vu, c’est plein de gardes nationales sur la place, des grenadiers et des cavaliers. Il y a le général La Fayette. Qu’il est beau sur son cheval blanc comme laneige ! »
    Margot revenait de course, elle était rentrée par le guichet de la Galerie du Bord de l’Eau.
    « D’ici, on aperçoit peu de chose, dit Lise. Je vais descendre.
    — Il ne faut pas que Madame aille toute seule dans cette presse. Il pourrait y avoir des gens pas bien honnêtes. »
    Elles sortirent ensemble. L’angélus de midi sonnait à l’Oratoire et aux Quinze-Vingts. Le tintement des cloches, qui allaient bientôt se taire pour plusieurs jours, flottait sur le brouhaha de la rue. La forte Margot jouant des hanches, Lise se faufilant, elles atteignirent dans la presse l’angle du Carrousel au moment où, au fond de la place, la vieille clôture en planches verdies et disjointes par endroits qui entourait les cours des Tuileries, s’ouvrait. Le portail étroit, au fronton arrondi, était défendu par des gardes nationaux à cheval. Leurs bêtes, alignées sur deux rangs, sabotant sur les pavés entre lesquels poussait l’herbe, maintenaient la foule. On vit cependant derrière eux, dans l’ouverture du portail, s’avancer deux carrosses. La Fayette, sur son fameux cheval blanc, se tenait à la portière du premier. Des commandements dominèrent les clameurs de la place. Avec un mouvement de

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