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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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des fous conduire à la pire anarchie, à la ruine, un pays dont Dieu lui avait confié le soin. Il allait partir, pour réunir des forces, et il reviendrait, non pas pour écraser la Révolution dont il reconnaissait les bons côtés, mais pour en sauver justement les meilleurs principes, pour chasser les énergumènes, pour établir, avec l’appui des honnêtes gens de tous ordres, un régime libéral et juste.
    Il ne se rendait pas compte que ce régime – cette monarchie constitutionnelle, telle que Turgot et plus tard Necker la lui dépeignaient, et au-delà de laquelle n’allait aucun vœu, au printemps de 1789 – il avait eu l’occasion de le fonder. Il ne pouvait pas comprendre que c’était lui, subissant la désastreuse influence de sa femme, qui avait, dès les premières séances des États généraux, sapé les forces des honnêtes gens, ouvert la carrière aux énergumènes, lancé la Révolution sur le chemin fatal où elle roulait à présent.
    Borné dans ses vues, il ne mesurait pas non plus le risque terrible de sa fuite, pour ce pays qu’il allait livrer aux plus incontrôlables impulsions, à toutes les frénésies des extrémistes.
    En vérité, la vie devenait intenable aux Tuileries, cernées extérieurement par les sections des districts populaires, en armes, qui considéraient La Fayette comme suspect. La garde nationale non soldée, se défiant de lui, doublait sa surveillance. On ne se contentait plus des factionnaires placés à toutes les issues du château, dans le jardin, sur la terrasse, et, de cent pas en cent pas, sur le bord de la Seine ; il y avait à présent, du pavillon de l’Horloge au pavillon de Flore, des sentinelles, baïonnette au canon, jusque dans les appartements, en haut et en bas de tous les escaliers, à la porte du cabinet du Roi, dans le couloir du rez-de-chaussé conduisant à la chambre de la Reine. Partout des regards suivaient les souverains. Dans l’intimité même, ils se sentaient espionnés par les femmes de chambre ou de service, les valets de pied, d’écurie, les laquais : tous plus ou moins placés là par les partis ou les sections pour écouter, surprendre, deviner, faire leurs rapports. Les jours devenaient interminables ; les nuits, angoissantes. On prétendait que Mirabeau avait été empoisonné. Ici aussi, le poison ferait bien les affaires de certains.
    Cependant, le fanatisme se déchaînait dans Paris. Un mannequin du pape avait été brûlé solennellement au Palais-Royal ; des couvents, forcés par la populace. En vue d’apaiser les esprits, le directoire du Département avait décidé que les tenants du culte traditionnel pourraient acquérir les églises désaffectées ou tout autre édifice, pour y célébrer les offices selon le rite romain. Cet arrêté rencontrait à l’Assemblée la plus vive opposition. Personne n’en voulait, pas plus les catholiques que les autres. Claude demanda la parole et prononça un très noble discours qui rallia tous les esprits vraiment éclairés, mais il fut combattu avec la dernière fureur par le protestant Camus, par Rabaud-Saint-Étienne, unis en l’occurrence aux catholiques ultras représentés par l’abbé Maury, ennemi acharné de la Constitution. Catholiques ultramontains et catholiques patriotes redoutaient, les uns comme les autres, la concurrence que la loi leur permettait de se faire. Ils n’entendaient à aucun prix la subir. Néanmoins, grâce à l’action, en coulisses, de Sieyès et Talleyrand, et au bon sens de nombreux députés qui avaient applaudi au discours de Claude, l’Assemblée prit, le 7 mai, un décret autorisant l’exercice du culte romain, « à condition qu’il ne donne pas d’occasion de troubles aux citoyens ».
    Claude avait fait son possible. Le résultat ne l’enchantait pas, loin de là : ce texte qui, ne fixant rien, laissait tout à l’appréciation des autorités, plus ou moins partisanes, resterait sans action. Au demeurant, des troubles, ce n’était pas difficile d’en provoquer. On le vit tout de suite. À Paris, des réfractaires, excités par leurs prêtres et entraînés par des royalistes, houspillaient les patriotes. Ceux-ci, à leur tour, fessèrent les femmes sortant des messes traditionnelles, poursuivirent les insermentés. En province, dans le Midi, plusieurs milliers de gardes nationaux catholiques rassemblés au camp de Jalès sous la conduite de nobles et de prêtres, se massacraient avec d’autres milliers de

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