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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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mon cœur, t’imaginais-tu que nous célébrions à notre façon le premier jour de la république ! » Rieuse, elle se dégagea, se sauva dans le salon où un dîner froid attendait.
    « Mon petit oiseau, dit Claude en s’attablant, toi aussi tu te hâtes peut-être de chanter victoire. Tu comptes sans les orléanistes : ils ne vont pas laisser passer l’occasion. Tant de fois, je les ai crus anéantis, et ils reprennent toujours du poil de la bête. Si ton cher Danton veut gagner son argent, il va falloir qu’il propose au moins une régence. Et Marat, paraît-il, réclame dans son journal la dictature pour un homme à la pureté éprouvée, un véritable ami du peuple : c’est-à-dire lui-même. Une république, non, je n’y crois pas. Il n’y a guère que Desmoulins et toi pour en vouloir.
    — Il ne s’agit pas de la vouloir, mon ami. Nous y sommes, tout bonnement. N’avez-vous pas saisi tous les pouvoirs !
    — Il faudra bien remettre l’exécutif en d’autres mains. C’est indispensable. Quelles mains ? voilà le problème, et voilà où le sang risque de couler. J’aimerais avoir l’avis de Jean. »
    Sitôt leur hâtif repas terminé, ils allèrent donc chez les Dubon. Ils n’eurent pas à monter, ils l’aperçurent au milieu de curieux attroupés sur le terre-plein du Pont-Neuf, devant la statue d’Henri IV. Sur le piédestal, on avait collé tout fraîchement une affiche : un placard des Cordeliers. Il débutait par une transposition du monologue de Brutus, la pièce de Voltaire, qui, arrangé pour la circonstance, donnait ceci :
    Songez qu’au Champ-de-Mars, à cet autel auguste,
    Louis nous a juré d’être fidèle et juste ;
    De son peuple et de lui, tel était le lien :
    Il nous rend nos serments lorsqu’il trahit le sien.
    Si, parmi les Français, il se trouvait un traître
    Qui regrettât les rois et qui voulût un maître,
    Que le perfide meure au milieu des tourments ;
    Que sa cendre coupable, abandonnée aux vents,
    Ne laisse ici qu’un nom plus odieux encore
    Que le nom des tyrans que l’homme libre abhorre !
    Suivait cette déclaration, d’un style plutôt indigeste : « Les Français libres composant le club des Cordeliers déclarent à leurs concitoyens qu’ils renferment autant de tyrannicides que de membres, qui ont tous juré individuellement de poignarder les tyrans qui oseront attaquer notre frontière ou attenter à notre Constitution de quelque manière que ce soit. » Signé : Legendre, président ; Collin, Champion, secrétaires.
    « Nos compagnons cordeliers ne semblent guère d’accord, dit Dubon à son beau-frère et sa belle-sœur. Marat demande un bon tyran, Fréron, dans sa gazette, propose que Danton soit au moins maire de Paris, sinon dictateur, et Legendre voue aux pires tortures ceux qui nourriraient de pareils désirs !
    — Votre opinion, à vous, Jean ?
    — Je partage l’avis de Legendre. Le Roi est parti, nous ne pouvons le regretter puisqu’il s’est montré lâche et fourbe. Bon voyage ! Il ne saurait être question de le remplacer par ce fou de Marat ni même par un Danton. La république s’impose. D’ailleurs, elle existe en fait depuis ce matin. Il faut la proclamer, voilà tout.
    — Bravo ! mon cher Jean, s’exclama Lise. C’est ce que je disais.
    — Bon, fit Claude, mais l’Assemblée ne saurait à la fois légiférer et gouverner. À qui confierons-nous l’exécutif ? À un président, comme en Amérique. Je ne vois pas lequel. Nous n’avons pas l’homme de la situation. C’est bien le drame.
    — Pourquoi un président ? Pourquoi pas des consuls comme à Rome ?
    — Lesquels ?
    — Sieyès : un esprit à grandes vues, premier artisan de la Révolution. Robespierre, dont l’incorruptibilité est article de foi. La Fayette, qui a prouvé ce matin son zèle et son énergie.
    — La Fayette ! se récria Claude. Vous n’y pensez pas ! Nul n’est plus suspect.
    — Allons donc ! S’il avait trempé le moins du monde dans le complot, il serait parti lui aussi. Que gagnait-il à rester ? Le risque de se faire massacrer, rien de plus. La Fayette ne peut être soupçonné. Ce n’est certes pas un démagogue, mais c’est un véritable patriote. Votre ami Camille l’a reconnu, d’ailleurs, ce matin même : il lui a serré les mains dans un grand élan de fraternité.
    — Bah ! il l’accablait hier, il l’embrasse tantôt, il le criblera de flèches ce soir. Desmoulins

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