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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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prendre l’argent pour les dépenses essentielles ! Si la Constitution blesse tant Louis, pourquoi feignait-il de l’approuver ? pourquoi donc a-t-il promis, ici même, de la défendre ? Son mémoire confirme toute la fausseté de ce pauvre esprit. »
    L’ordre du jour portait discussion du projet de code pénal ; on l’aborda. C’était pure attitude : on attendait impatiemment que la séance fût levée. Enfin Beauharnais la renvoya, selon l’habitude, à cinq heures. En sortant, Lise trouva dans le vestibule Claude arrêté avec Pétion et Robespierre. Ceux-ci la saluèrent galamment. Maximilien lui tourna un compliment précieux, mais cette courtoisie cachait mal une fébrilité. Lise apprit que l’on connaissait à présent la route empruntée par la famille royale. Un voiturier, loué pour conduire deux dames du palais à Bondy, la nuit précédente, les avait vues monter dans une énorme berline de voyage, aux roues jaunes. Elle était partie dans la direction de Meaux, emportant assurément toute la tribu. Sitôt averti par le Conseil général de la Commune, La Fayette avait lancé son aide de camp, le jeune Romeuf, et un chef de bataillon, sur les traces des fugitifs. Ils disposaient d’une telle avance que l’on ne pouvait espérer les rejoindre ; la berline toucherait bientôt la frontière. Les « noirs » triomphaient déjà. Robespierre froissait nerveusement Les Actes des Apôtres : la gazette de Mirabeau-Tonneau, de Cazalès. On la criait à l’entrée du Manège. Elle annonçait impudemment, comme si l’armée des émigrés allait demain occuper Paris :
    « Tous ceux qui voudront être compris dans l’amnistie du prince de Condé pourront se faire inscrire dans nos bureaux. Nous aurons mille cinq cents registres pour la commodité du public ; nous n’en excepterons que cent cinquante individus.
    — Au nombre desquels ils nous comptent tous les premiers, soyez-en sûrs, dit Robespierre.
    — Bah ! répliqua Pétion fort calme, ils chantent victoire un peu bien tôt. »
    Lise n’aimait pas Robespierre. Elle riait sous cape quand elle l’entendait appeler « la Chandelle d’Arras », surnom inspiré par le poème de l’abbé du Laurens. Le mot s’appliquait parfaitement, trouvait-elle, au petit homme étriqué, blême, dont les lèvres minces, les yeux verts, étirés, froids, l’air toujours tendu, la mettaient mal à l’aise. Il était plein de vertu, certes – bien plus que M. Danton, probablement –, et il ne manquait pas de générosité, mais une générosité tout intellectuelle. Dans sa propreté de chat, il semblait vivre derrière une barrière. Il ne communiquait aucune espèce de chaleur.
    En ce moment, il paraissait, malgré sa contention, dominer mal une crainte peu virile. Lise en éprouvait quelque mépris. Elle et Claude laissèrent Pétion emmener chez lui Robespierre. Il habitait loin, au Marais, rue de Saintonge. Pétion, lui, logeait à peu de distance, rue du Faubourg Saint-Honoré, avec sa femme et son fils.
    « Au fond, dit Lise tandis qu’au bras de son mari elle sortait par le cul-de-sac, ton Robespierre, c’est une âme féminine. Je comprends pourquoi il plaît tant à certaines femmes. As-tu peur, toi ?
    — Peur, non, mais la situation est angoissante, assurément. Je ne crains pas beaucoup les émigrés, et les dangers futurs d’un retour du Roi soutenu par les puissances étrangères restent, pour l’instant, problématiques. En revanche, je redoute la guerre civile.
    — Vraiment, mon ami ! L’atmosphère ne me semble pourtant pas être aux égorgements. Écoute donc ! »
    Des musiciens ambulants quittaient la place du Palais-Royal, entraînant une petite foule qui chantait avec eux, sur l’air de « Malbroug » :
    Not’ gros s’en va-t-en guerre,
    Mironton, ton-ton, mirontaine,
    Il part à la légère.
    Mais il lui en cuira.
    J’m’ennuie de ma couronne,
    Mironton, ton-ton, mirontaine,
    J’la laisse à qui me donne
    Du vin de Malaga.
    Dites qu’on m’en apporte,
    Mironton, ton-ton, mirontaine,
    Et mettez sur ma porte :
    C’est le dernier des rois !
    En vérité, s’il régnait une fièvre dans la rue populeuse et brûlante sous le soleil de juin, c’était bien plus une liesse d’écoliers en vacances que d’émeutiers.
    Les deux époux montèrent chez eux. Comme, en entrant, Claude serrait amoureusement sa femme dans ses bras, elle lui chuchota, avec un regard de sous les cils : « Ce matin,

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