Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
c’est de le briser par un acte vigoureux, de donner aussitôt au peuple les lois et l’éducation susceptibles de perpétuer cet héroïque moment.
    — Ainsi, madame, dit Claude, vous aussi vous considérez le départ du Roi comme un avantage ?
    — Le Roi, monsieur, au lieu d’essayer de l’arrêter, comme l’a fait trop honnêtement le général La Fayette, je pense qu’il faudrait lui fournir des chevaux et encore des chevaux pour aller plus vite, et lui donner en outre tout ce qu’il laisse ici de courtisans et de prêtres, leur ouvrir toutes grandes les frontières pour nous débarrasser d’eux.
    — Eh bien, madame, s’écria Lise, voilà tout juste mon propre sentiment ! »
    Robespierre n’aimait guère M me  Roland qui lui manifestait pourtant beaucoup d’admiration Il demeura retranché dans sa politesse la plus froide, et ne dit rien. Il ne parla pas non plus au Manège, pendant la séance de relevée. Le soir seulement, à la réunion extraordinaire des Jacobins – les séances n’avaient lieu ordinairement que tous les deux jours, mais le club s’était déclaré en permanence –, il se décida enfin à opiner. Il le fit à sa façon souvent pleine de méandres. Claude savait par Barnave que le triumvirat et tout le comité de Constitution, tout le centre de l’Assemblée, viendraient ce soir au club – où l’on ne les voyait plus beaucoup depuis quelque temps – pour prêcher une réconciliation générale. Robespierre ne l’ignorait pas non plus. Il prit les devants.
    Avec l’accroissement constant de ses membres, le club, ne pouvant plus tenir dans la bibliothèque, était descendu, depuis le 29 mai, dans l’église même. On y avait reconstitué exactement les dispositions établies d’abord à l’étage au-dessus : des gradins très élevés s’adossaient aux piliers, tout autour de la nef. Le bureau du président, dominant toujours l’estrade des secrétaires, faisait face à la tribune. La salle offrait en moins grand une image assez semblable à celle de l’Assemblée nationale. Quelques faisceaux d’emblèmes tricolores remplaçaient les draperies du Manège. Pour le reste, on n’avait rien changé à la décoration initiale : les tableaux religieux restaient pendus aux murs des bas-côtés devenus couloirs ; la belle Annonciation de Porbus ornait encore le maître-autel, que l’on ne voyait point de l’enceinte. Dans l’ombre des chapelles luisait le marbre des tombeaux.
    Il était huit heures un quart, il faisait encore grand jour dehors, cependant on avait allumé les lustres et les quinquets. Leur lueur s’accrochait en éclairs aux lunettes que Robespierre, debout à la tribune, abaissait par moments puis relevait sur son front après avoir jeté un coup d’œil à ses notes. D’une voix sèche, rageuse, il attaquait le Roi, les ministres, Bailly, La Fayette, le triumvirat, les comités, l’Assemblée elle-même.
    « Voilà notre grand homme ! chuchota Claude à l’oreille de son beau-frère. Il met tout le monde en accusation, mais il ne précise rien, ne propose rien. » Lise, de son côté, dans la tribune des femmes, disait à M me  Roland : « Nous attendions la lumière, nous trouvons une lanterne magique qui nous montre une histoire de brigands. »
    On entendait certains murmures. Malgré l’ascendant de son orateur favori, la société n’accueillait pas sans hésitations ni incrédulité cette fumeuse peinture d’un complot universel. Claude voyait Danton, en uniforme de garde national, la carte du club pendue à la boutonnière, hocher sa grosse tête avec impatience, et Desmoulins sourire. Mais Robespierre, par une transition adroite, passait de la situation générale à ses risques à lui. Sa voix s’échauffait, s’attendrissait tandis qu’il se touchait la poitrine, visée, disait-il, par les séides de la tyrannie. « Au reste, ajouta-t-il en posant ses lunettes, je suis prêt à tout. Si, dans les commencements, n’ayant encore pour témoins que Dieu et ma conscience, j’ai fait le sacrifice de ma vie, aujourd’hui que je trouve ma récompense dans le cœur des citoyens, la mort sera pour moi un bienfait. »
    Camille ne riait plus ; il pleurait, bouleversé. Le dernier mot tombé dans le silence, il se dressa, la main levée, criant : « Nous… nous mourrons tous avec toi ! »
    L’émotion déferla aussitôt. Les mains se tendaient vers Robespierre, on répétait la phrase de Camille, on jurait de

Weitere Kostenlose Bücher