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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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remplacer par Orléans ? demanda froidement Dubon.
    — Pour le remplacer par la république, dit Camille. Je n’en… je n’en démordrai pas, je t’avertis, Georges. »
    Dubon serra l’épaule de Desmoulins.
    « Là-dessus, comptez sur moi, jeune homme. Je n’approuve pas toujours tout ce que vous écrivez, mais pour cela je suis entièrement avec vous. »
    Les Cordeliers l’étaient aussi. Danton eut la surprise d’entendre ses troupes, unanimes, exiger le remplacement de la monarchie par des institutions républicaines. « Fort bien, dit-il. Si c’est la volonté du peuple, c’est aussi la mienne. » Il signa l’adresse dictée par Legendre aux secrétaires pour demander à l’Assemblée nationale d’établir la république : « Nous voilà donc au même état où nous étions après la prise de la Bastille : libres et sans Roi. Reste à savoir s’il est avantageux d’en nommer un autre. Nous vous conjurons, au nom de la patrie, ou de déclarer sur-le-champ que la France n’est plus une monarchie, qu’elle est une république, ou au moins d’attendre que tous les départements, que toutes les assemblées primaires aient émis leurs vœux sur cette question importante, avant de penser à replonger une seconde fois le plus bel empire du monde dans les chaînes et les entraves du monarchisme. »

VII
    Pour le pauvre Montaudon, au cours de cette journée, le départ de la famille royale et la situation dans laquelle elle laissait le pays n’avaient cessé de perdre de l’importance. À cinq heures, il n’était pas retourné à l’Assemblée. Rien ne comptait plus pour lui hors la douleur qui lui taraudait de plus en plus furieusement la mâchoire. Un seul départ lui importait : celui de cette satanée dent, mais il redoutait de se la faire arracher. Apitoyée, sa logeuse – une brave bonnetière d’âge mûr – lui confectionna un cataplasme de fécule dont la vertu ne fut point sensible. Fiévreux, tantôt marchant par sa chambre, tantôt cherchant en vain sur son lit à endormir la souffrance, il passa une nuit cent fois pire encore que la précédente. Dès l’aube du 22, il sortit, enragé, sans voir que tout dans Paris était à l’allégresse. Les bons bourgeois, étonnés d’avoir fort paisiblement dormi et de ne découvrir aucun symptôme de catastrophe, se congratulaient. Eh bien, ma foi, on pouvait donc parfaitement vivre sans monarque ! Preuve était faite que l’on ne s’en portait pas plus mal.
    Dans sa course errante contre la douleur, Montaudon, parvint au faubourg Saint-Antoine ; il marcha un moment parmi des groupes d’ouvriers avec leurs pantalons, leur courte carmagnole, armés de piques. Il n’y fit pas attention. Au demeurant, ces troupes populaires, formant le bataillon du brasseur Santerre, se tenaient fort tranquilles. Cependant, la fatigue ne diminuait en rien la souffrance. C’était à se casser la tête contre les murs. Mal pour mal, mieux valait encore affronter le chirurgien. Le pauvre René retourna vers la rue Traversine où il habitait, tout près du Palais-Royal. Au coin de la rue de l’Anglade logeait un chirurgien de bonne réputation : quadragénaire solide, affable, qui commença par administrer à son patient deux petites pilules brunes. Au bout d’un moment la douleur devint sourde puis parut s’endormir. « Ça va mieux, dit Montaudon avec un sombre regard vers les instruments que l’homme de l’art préparait. Ça va beaucoup mieux, il ne serait peut-être pas nécessaire… on pourrait attendre un autre jour. »
    Le chirurgien sourit. Il avait l’habitude. « Vous en êtes le maître, monsieur, mais si je n’opère pas, dans une heure vous vous remettrez à souffrir plus que jamais. Allons ! du courage ; ce sera vite fait. Ouvrez la bouche. » René obéit, fermant les yeux, commençant à gémir par avance. Soudain, il poussa un cri : une douleur fulgurante lui traversait la tête, il sentait ses os broyés se briser dans sa chair. Tout craquait avec des bruits affreux. Il retomba dans le fauteuil, haletant, geignant, la main à la joue. « Eh bien, voilà, c’est fini », annonça le chirurgien. Après plusieurs rinçages de bouche, il lui remit un minuscule flacon rempli d’un liquide brun. « De la teinture de pavot, précisa-t-il. Toutes les heures, vous en ferez tomber une dizaine de gouttes dans un verre d’eau tiède pour vous en baigner longuement la gencive. Avec les pilules que je vous ai

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