Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
données préventivement, cela vous aura bientôt guéri. »
    En effet, rentré chez lui, Montaudon put s’étendre paisiblement, faire un somme, un autre, prendre enfin un bouillon avec du bon vin rouge dedans, à la mode limousine. Si sa mâchoire restait endolorie, la douleur rongeante avait disparu. Du coup, les événements recommencèrent à l’intéresser. Il s’enquit des nouvelles. « Il n’y en a pas, lui répondit la bonnetière. Tout va bien, il faut croire. Les gens n’ont cessé aujourd’hui de se promener par les rues comme si c’était dimanche. Ils ont bien de la chance ! Tenez, voilà deux gazettes que mon homme a rapportées. Si vous voulez les lire. »
    Dans l’une, La Bouche de fer, Bonneville, l’ex-collègue de Dubon à la municipalité de 89, prenait nettement parti pour la République, contre toute forme de pouvoir personnel. « On a effacé du serment, écrivait-il, le mot infâme de roi. Plus de rois, plus de mangeurs d’hommes ! Point de régent, point de dictateur, point de protecteur, point d’Orléans, point de La Fayette. Je n’aime pas ce fils de Philippe d’Orléans, qui prend justement ce jour pour monter la garde aux Tuileries, ni son père, qu’on ne voit jamais à l’Assemblée et qui vint se montrer hier sur la terrasse, à la porte des Feuillants. Une nation a-t-elle besoin d’être toujours en tutelle ? Que nos départements se fédèrent et déclarent qu’ils ne veulent ni tyran, ni monarque, ni protecteur, ni régent qui sont des ombres de rois aussi funestes à la chose publique que l’ombre de cet arbre maudit, le Bohon Upas, dont l’ombre est mortelle. » Le brave abbé Fauchet aurait-il partagé entièrement l’opinion de son ami et associé ? Devenu évêque constitutionnel du Calvados, il se trouvait présentement dans son diocèse.
    L’autre journal était celui de Desmoulins, Les Révolutions de France et de Brabant. Camille, après avoir traité ironiquement le « décampativos général des Capètes et Capets », s’excitait peu à peu jusqu’à la fureur. La déchéance ne lui suffisait plus, il réclamait la mort du Roi : « Comme l’animal-roi est une partie aliquote de l’espèce humaine, et qu’on a eu la simplicité d’en faire une partie intégrante du corps politique, il faut qu’il soit soumis et aux lois de la société qui ont déclaré que tout homme pris les armes à la main contre la nation serait puni de mort, et aux lois de l’espèce humaine, au droit naturel qui me permet de tuer l’ennemi qui m’attaque. Or, le Roi a couché en joue la nation. Il est vrai qu’il a fait long feu, mais c’est à la nation à tirer. »
    Montaudon rejeta la feuille avec dégoût. Il aurait voulu connaître la pensée, les intentions des « triumvirs ». Par la singulière évolution des choses, les modérés étaient pour lui les gens qu’il considérait en juillet 89 comme des révolutionnaires extravagants : Barnave, Duport et leurs partisans – au nombre desquels il se rangeait. Il restait absolument monarchiste. Une république à la mode américaine, ou bien à la mode romaine, lui semblait irréalisable, utopique, beaucoup plus dangereuse pour la liberté que la monarchie constitutionnelle. En demandant à sa logeuse les nouvelles, il avait espéré apprendre le retour de la famille royale. Cette éventualité posait toutefois des problèmes épineux.
    Quoiqu’il n’eût rien mangé et se sentît les jambes un peu molles, il résolut d’aller au Manège. En approchant, dans la foule sur laquelle planaient très haut les derniers rayons du soleil à son coucher, écoutant les uns, causant avec d’autres il se rendit compte de la différence entre les dispositions populaires et les siennes. Dans la cour des Feuillants, un bourgeois en frac, d’apparence bien paisible, proposait de déclarer le Roi imbécile, au nom de l’humanité. Un sectionnaire montrait le Manège découpant sa longue, étroite et haute silhouette dans le poudroiement de la lumière. « Notre Roi est là-dedans, Louis XVI peut bien aller où il voudra. » Et, dans le cloître, un boutiquier aux cheveux blancs : « Si le Roi nous a quittés, la nation reste ; or, il peut y avoir une nation sans roi, mais il n’existe pas de roi sans nation. » C’était là les sages, les paisibles, le grand nombre. Les exaltés, eux, criaient : « Déchéance ! déchéance ! » Quelques voix, très rares, réclamaient la république –

Weitere Kostenlose Bücher