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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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était allée avec sa belle-sœur et sa nièce à une représentation de Brutus. Elle devait être couchée à cette heure-ci, car la nuit se trouvait fort entamée.
    « La commission sera peu commode, remarqua Claude pendant que leur ami prévenait sa femme et se préparait pour le voyage.
    — Il y faut simplement de la dignité, répliqua Robespierre. Rester ferme, se défier des séductions ou des complots, surveiller Barnave.
    — Il n’est quand même pas à craindre ! Que pourrait-il espérer ?
    — La confiance de la Reine fait partie pour lui de la succession de Mirabeau. Ne sentez-vous pas qu’il y a chez Barnave, depuis hier, un peu de l’aigreur d’un amant trompé ?
    — Soyez tranquilles, dit Pétion en disposant dans un petit sac en cuir un peu de linge avec un nécessaire à barbe. Je tiendrai chacun à l’œil, on ne m’abusera pas, moi. »
    Ils sortirent. La nuit pâle était chaude, sans un souffle. Les gens excités par la nouvelle s’agitaient dans la clarté jaune des réverbères. Mathieu Dumas avait donné assignation aux commissaires place Vendôme, devant le poste, où il serait avec une voiture de voyage. Pétion s’était attardé à soigner sa toilette. On n’attendait plus que lui. Robespierre et Claude le quittèrent à l’entrée de la place, au centre de laquelle la statue de Louis XIV s’enlevait, grise, sous le ciel plein d’étoiles.
    « Un peu fat, notre ami, dit Claude.
    — Il a surtout des idées étroites, malgré son large front. Bah ! il convient pour cette besogne. »
    Ils le virent monter dans la berline qui partit aussitôt. Elle tourna, rue des Capucines, pour prendre le boulevard obscur sous ses arbres. Il fallut s’arrêter à la barrière. Mathieu Dumas se fit reconnaître puis on s’élança grand train, dans un martèlement de fers.
    Toute la nuit, on roula ainsi. Les commissaires sommeillaient de relais en relais. Sachant le but de leur voyage, les postillons les conduisaient à vive allure. Le jour venu, on parla peu, et de choses indifférentes. Barnave, Latour-Maubourg se tenaient tous deux sur la réserve vis-à-vis de Pétion ; et lui, sur ses gardes. Il se serait abandonné à son naturel, il n’avait point à cacher ses opinions, mais il se rappelait les propos de Claude et de Robespierre.
    Cependant Barnave remit sur le tapis le problème, fort embarrassant, de savoir ce que l’on ferait du Roi.
    « Se prononcer me paraît bien difficile, déclara le marquis. C’est une bête qui s’est laissé entraîner. Il est malheureux, en vérité. Il inspire la pitié.
    — Il me semble, en effet, dit Barnave, qu’on peut le considérer comme imbécile. Qu’en pensez-vous, Pétion ? »
    Celui-ci crut surprendre là-dessus un regard de connivence entre ses deux interlocuteurs. La question était sans doute une chausse-trape, à tout le moins une façon de le tâter. Il répondit prudemment ce qu’on voulait lui entendre dire, sans toutefois dissimuler ses principes. « Je n’écarte pas l’idée de traiter Louis comme un imbécile, incapable d’occuper le trône. Il a besoin d’un tuteur, et ce tuteur pourrait être un conseil national. » Cela revenait, sous une forme atténuée, à la république. Latour-Maubourg, Barnave avancèrent des objections. Ils cherchaient en réalité un moyen de maintenir le Roi, Pétion le comprenait bien. La discussion tourna vers l’éventualité d’une régence, sur la difficulté de choisir un régent dont, en fait, aucun d’eux trois ne voulait. Ils possédaient au moins ce point commun.
    On continuait de courir à grandes guides sur des routes plates et crayeuses. Il faisait très chaud. Pétion, avec sa corpulence, en souffrait un peu. Aux relais, il demandait à boire, après quoi il s’épongeait. Barnave, svelte, indifférent à la température, se renfermait à présent dans une méditation nerveuse, suscitée sans doute par l’attitude des populations. Partout, on trouvait villes et villages en effervescence. Armés de broches, de faux, de bâtons, de vieux fusils, hommes, femmes, gamins, attendaient impatiemment le passage des fugitifs que les envoyés de La Fayette avaient déjà mis en route vers Paris. Escortant et acclamant les commissaires, des gens criaient : « Vive l’Assemblée ! Vive la Nation !… Nous tuerons ce gueux, ce gros jean-foutre ! » Depuis Château-Thierry, on annonçait les souverains. À Dormans, rien ne se présentait encore. Là, au moment

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