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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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côté de la rue. Danton, à son tour, sortait des Jacobins, avec le jeune Brune.
    « Comment, monsieur Danton, vous partez ? lui dit Lise. Et cette pétition ?
    — Brissot est parfaitement capable de l’écrire. Moi, je vais voir Camille ; il faut trouver les moyens d’activer les signatures et d’étendre la chose aux départements. »
    Il s’éloigna, suivi de Legendre, de Dubon, du poète Fabre d’Églantine, l’auteur de Il pleut, il pleut, bergère. Ils étaient échauffés, sauf Dubon qui leur dit qu’à son avis la grande masse de la province ne signerait pas contre le Roi. De plus, la pétition risquait d’être illégale. Il faudrait voir ça de très près demain. Il les quitta devant la place Dauphine, laissant Danton songeur au milieu des autres parlant haut et fort. Les voix résonnaient dans la nuit tiède et claire. Au coin de la rue de Bussi, ils croisèrent une patrouille de la garde soldée. « Voilà la cabale qui passe, Danton et sa clique », gronda un garde national. Brune lui lança une bordée d’injures.
    Legendre prit la rue des Boucheries où il logeait, encore qu’il eût abandonné ses étaux pour se consacrer tout entier à son action. De l’autre côté, dans la rue des Cordeliers, une lumière brillait aux fenêtres de Marat. Fabre et Brune suivirent Danton cour du Commerce où il les fit monter chez lui, appelant au passage Desmoulins qui était en train d’écrire un article fulminant contre l’Assemblée. À l’étage au-dessus, M me  Danton, inquiète, veillait. Un peu pâle mais se forçant à sourire, elle alluma les candélabres dans le salon tendu de papier arabesque, aux fauteuils de satin vert, et apporta de quoi boire, puis alla bercer son fils que le bruit avait réveillé.
    « Ouf ! quelle chaleur ! fit Danton en se laissant aller sur le canapé. Ce brave Dubon n’a pas tort : on a dit beaucoup de bêtises aujourd’hui. Tâchons d’en commettre le moins possible.
    — Bah ! demain nous aurons quarante mille hommes au Champ-de-Mars. Nous enlèverons tout, assura Brune avec sa jeune confiance.
    — Ce n’est pas certain. L’affaire est mal engagée. Les Jacobins ne savent pas ce qu’ils veulent. Nous-mêmes, le savons-nous, au fond ? »
    Rue Saint-Honoré, les trois autres commissaires avaient eux aussi laissé Brissot à une tâche pour laquelle il était le mieux qualifié. Il ne restait pas seul : Laclos veillait avec lui et, se plaignant d’un grand mal de tête, soutenant de sa main son front, regardait la plume courir. Il n’était pas loin de minuit. Dans le grand vaisseau vide, avec ses gradins derrière lesquels sortait le haut des piliers soutenant la voûte, les deux hommes se penchaient côte à côte sur la table des secrétaires. Brissot parlait à mi-voix en écrivant, sa plume grinçait sur les vergeures. Elle attaqua la dernière phrase, avec des repentirs et des ratures. Les Français soussignés demandent formellement et spécialement que l’Assemblée nationale ait à recevoir, au nom de la nation, l’abdication faite, le 21 juin, par Louis XVI, de la couronne qui lui avait été déléguée, et à pourvoir à son remplacement…
    « Oui, observa Laclos, mais ne serait-il pas prudent d’ajouter là une formule montrant que nous ne sommes pas des factieux. Je ne sais pas quoi. Peut-être quelque chose comme… voyons… : « par les moyens constitutionnels » ou plutôt : « par tous les moyens constitutionnels ».
    — Cela me semble prudent, en effet, cela répond à la pensée de Robespierre, qui est de rendre la chose bien légale, dit Brissot. »
    Il reprit sa phrase :… à pourvoir à son remplacement par tous les moyens constitutionnels, déclarant les soussignés qu’ils ne reconnaîtront jamais Louis XVI pour leur roi, à moins que la majorité de la nation n’émette un vœu contraire.
    Les moyens constitutionnels, cela signifiait le Dauphin avec un régent. C’est-à-dire nécessairement l’éternel Philippe, puisque Monsieur était émigré. Brissot ne s’en rendit pas compte, ni personne le lendemain, à la lecture de la pétition qui fut approuvée. Il y avait fort peu de membres dans la salle. Étonné, Pétion, auquel Claude rapporta les propos de Montaudon, la veille, voulut donner un coup d’œil aux Feuillants, en traversant la cour pour se rendre au Manège. Les trois quarts des députés jacobins étaient là, écoutant Duport. Toute une trame se révéla d’un coup.

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