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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Dans la nuit, les triumvirs avec les « constituants » fayettistes – en un mot, tous les monarchistes de l’Assemblée – avaient fondé une nouvelle Société des Amis de la Constitution qui réunissait la masse modérée des Jacobin. La scission était formelle, désastreuse : il ne restait plus à l’ancien club que quatre ou cinq députés, les autres membres étant simples citoyens.
    Pétion, Claude usèrent en vain de leur éloquence pour ramener leurs collègues. Ceux-ci ne voulurent rien entendre. Depuis longtemps ils en avaient assez d’un club où l’on acceptait n’importe qui, où il fallait souffrir les insultes des membres cordeliers, leurs visées républicaines, les manœuvres des orléanistes et la plèbe du Palais-Royal. C’était fini. On préparait une adresse pour annoncer à toutes les filiales de province que désormais les Amis de la Constitution siégeaient aux Feuillants. On allait mettre les autorités en demeure de sévir contre les fauteurs de troubles, qui, sur les places publiques et dans les gazettes, appelaient au massacre.
    La presse était en effet déchaînée, ce matin. Elle traitait Louis XVI de valet infidèle, de crapule couronnée, de lâche, Marie-Antoinette de catin criminelle. L’Assemblée elle aussi recevait sa bonne part d’injures et de menaces. Desmoulins, qualifiant les députés de « mandataires infidèles », réclamait pour eux la peine capitale. Marat, frénétique, écrivait avec fureur : « Coupez les pouces à tous les valets-nés de la Cour et aux représentants de la ci-devant noblesse et du haut clergé. Quant aux députés du peuple qui ont vendu aux despotes les droits de la nation, aux Sieyès, aux Le Chapelier, aux Duport, aux Barnave, aux Montaudon, aux Target, empalez-les tout vivants, et qu’ils soient exposés sur les créneaux du Sénat pendant trois jours. » C’était Brune, prote de l’imprimerie où se tirait L’Ami du peuple, qui avait composé cela en riant de telles extravagances dont il ne voyait pas le danger.
    La garde soldée répondait à ces provocations par des brutalités. Gabrielle Dubon, attirée à sa fenêtre par des cris, vit sur le Pont-Neuf un homme assailli à coups de crosse. C’était le journaliste Fréron. Un agitateur, Retondo, fut battu, terrassé, traîné au corps de garde.
    Atterrés par la scission, Pétion et Claude allèrent avertir Maximilien à l’Assemblée. Ils l’y trouvèrent pâle et crispé, écoutant la lecture d’une adresse qui le rendait responsable des troubles. On l’accusait de vouloir renverser la Constitution, mettre le pays à feu et à sang. Des voix rageuses s’élevèrent à droite, approuvant cette attaque, prêtes à requérir l’arrestation de Robespierre. Dandré les fit taire en invitant très fermement l’Assemblée à ne pas se laisser entraîner dans des querelles de personnes, il la ramena aux mesures générales. On avait mandé à la barre la municipalité, elle parut. Du fauteuil présidentiel, Charles de Lameth admonesta sévèrement Bailly et les municipaux. Il leur enjoignit d’assurer l’ordre.
    Claude rentra chez lui avec un sentiment assez sinistre. Un coup terrible avait été porté aux Jacobins en un moment où seuls ils auraient pu former un rempart entre les ennemis résolus, semblait-il, à s’affronter. La bataille entre les deux éléments extrêmes paraissait imminente, on se sentait retourner à la fièvre brûlante des jours qui avaient précédé l’attaque contre la Bastille. Pourtant le cœur de Paris ne s’affolait pas beaucoup. On voyait rouler des faubourgs vers le « Palais-Orléans », vers les Tuileries, le Manège, la place Vendôme ou la place LouisXV, quelques forts de la Halle qui avaient gardé les armes du triomphe de Voltaire. Des cortèges, musique en tête, allaient prononcer çà ou là le nouveau serment. Les hommes, munis de piques ou de bâtons, des femmes au bras, défilaient en bon ordre, par dix de front, en clamant : « Vive la loi ! Vive la liberté !… Foutez Louis XVI à la porte ! Au diable les aristocrates !… Vivent les bons députés ! Que les autres prennent garde à eux ! » Hormis ces manifestations – sans turbulence menaçante, du reste – et les gardes nationaux en réserve sur les places ou patrouillant par les rues, la ville restait relativement calme sous le grand soleil.
    Lise était allée chez sa couturière : M lle  Teillard, au Palais-Royal. Elle en revenait

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