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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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ce quartier. En juillet 89, dès la formation de la garde nationale, son district l’avait élu chef de bataillon. Il commandait une troupe d’artisans et d’ouvriers en pantalon, carmagnole et bonnet de laine, armés pour la plupart avec les piques fabriquées à la demande de Dubon, la veille de la Bastille. Santerre était un des rares républicains à n’éprouver aucune animosité contre le Roi ou la Reine. L’institution monarchique lui semblait mauvaise, il ne s’en prenait pas aux personnes. On devait pour beaucoup à son influence le calme du menu peuple parisien au retour de Louis XVI. La Fayette avait des égards, peut-être même un certain respect, pour lui. Les royalistes « enragés » l’exécraient. Lui, dans sa force et son assurance, les dédaignait simplement. Il jugeait que la Révolution devait s’accomplir jusqu’à l’établissement de la démocratie absolue ; mais justement, en véritable démocrate, il voulait que cela se fît dans l’ordre, par l’effet de la volonté nationale. Claude avait grande confiance dans le caractère de cet homme mûr, calme, pétri d’expérience populaire et d’humanité. Il le comparait – la force physique en plus – à Dubon, lui-même plein d’estime pour Santerre.
    « La Constitution ! s’exclama Desmoulins. Hon, hon, elle est faite par une assemblée renfermant trois cents royalistes et prélats, six cents monarchistes. Comment serait-elle démocratique, votre sacro-sainte Constitution ? Elle sert de masque à ceux qui sont en train d’étrangler la liberté, voilà tout. »
    C’était à peu près ce que, en ce moment-même, orateurs des sociétés fraternelles et simples citoyens proclamaient sur l’autel du champ de la Fédération. L’un d’eux s’écriait, à l’adresse des représentants : « La poignarderez-vous dans son berceau, après l’avoir enfantée ? » L’assistance avait un peu grossi depuis le départ de Momoro. Comme les jours précédents, elle comprenait beaucoup de flâneurs, de badauds, de familles qui déambulaient à travers l’immense esplanade. M me   Roland était là, avec son mari, conduite par la curiosité, car elle non plus ne croyait pas à la vertu de la pétition et ne songeait pas à la signer. Ils s’installèrent sur les gradins de gazon en regardant le spectacle. Du côté de l’École militaire, il y avait comme d’habitude une masse bleue et blanche de gardes nationaux sous les armes. Une autre troupe apparut à la grille du Gros-Caillou, s’arrêta. Il sembla se produire là du mouvement. C’était trop loin, on ne voyait point ce qui se passait. Des silhouettes minuscules se déversaient des gradins. Un peu plus tard, la troupe se remit en marche. On put reconnaître La Fayettte à son cheval blanc. Il arrivait en force, avec du canon et de la cavalerie qui soulevait la poussière. Au bout d’un moment, il parvint à l’autel où il parla tranquillement avec les rédacteurs de la pétition. On vit qu’ils la lui montraient. Ils la remirent en place. La Fayette revint à son état-major d’où, bientôt, une estafette partit au galop vers Paris, portant sans doute un message pour la Commune ou l’Assemblée. Après quoi, le général fit reculer ses bataillons à distance de l’autel, le dos tourné à l’arc de triomphe et la Seine lointaine. Plus rien ne se produisit.
    La foule cependant ne cessait d’augmenter. Elle arrivait du côté de Chaillot, de Saint-Cloud, de Boulogne, de Sèvres : des gens endimanchés, venant en promeneurs. Beaucoup, après avoir fait un tour dans le champ, se retiraient vers les côtés pour chercher de l’ombre sous les frondaisons voisines. D’autres allaient écouter les orateurs, et certains montaient, signaient. L’escalier monumental se couvrait peu à peu d’hommes, de femmes, d’enfants, qui, fatigués, s’asseyaient là sur les marches. Les vendeurs de coco, de sorbets, de gâteaux de Nanterre faisaient des affaires excellentes. Autour des Roland, les gradins eux aussi se peuplaient de braves citoyens et citoyennes aux chaussures poudreuses. M me Roland vit soudain, en bas, passer Fabre d’Églantine, familier de son salon à l’hôtel Britannique. Elle l’appela. Il apprit au ménage que M lle  Kéralio, la femme de Robert, aidée par quelques autres Jacobins et Cordeliers, était en train de recueillir des milliers de signatures. La Fayette n’y mettait pas d’opposition. « Savez-vous, ajouta Fabre,

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