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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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les femmes une minute d’affolement. Lucile était blanche, figée. Gabrielle-Antoinette pleurait en pressant les mains de son mari. « Voyons, voyons ! dit-il, ne te tracasse pas. Allons chez ton père, à Fontenay, nous y souperons tranquilles. Cela nous donnera le temps de réfléchir. »
    M. Charpentier, limonadier fort à l’aise, possédait une maison de campagne à Fontenay-sous-Bois. Il fut décidé que Legendre allait y conduire le ménage Desmoulins et Fréron. Danton, avec sa voiture, qui était à deux pas, dans une écurie rue du Paon, emmènerait sa femme, son fils, Claude et Lise. Claude ne risquait rien à Paris, mais Danton tenait à l’avoir comme conseil.
    Le bref voyage se fit sans incident. Un soir doré commençait à descendre sur la campagne. Les maisons de Fontenay, dans les bois de Vincennes, étaient éparses au milieu de la verdure et des fleurs. Dans le charmant jardin des Charpentier, sur un banc de la charmille, Claude et Danton eurent un entretien tête à tête. Claude reprocha discrètement à son fougueux ami sa conduite pas assez nette, d’une part, et d’autre part ses outrances.
    « Robespierre, dit-il, Pétion, Gorsas, mon beau-frère Dubon aux Cordeliers, sentaient bien que le moment n’était pas venu pour une république. Il ne fallait pas pousser le peuple à la réclamer quand elle n’était pas encore possible. On va vous attaquer là-dessus, vous et les Cordeliers. Maintenant, nous voilà bien obligés de la faire avec Louis XVI, cette expérience d’une continuation monarchique qu’il eût été assez facile de démocratiser. Après la tragédie de ce jour, elle sera nécessairement rétrograde.
    — On veut arrêter, finir la Révolution. Duport l’a déclaré carrément. Aujourd’hui ils ont pris le moyen de la noyer dans le sang du peuple. Barnave avait dit le mot : La loi n’aura qu’à placer son signal.
    — Non, je ne croirai jamais que Barnave ait voulu ce massacre. D’ailleurs, on ne peut pas arrêter la Révolution. Santerre voit juste. Seulement, par nos divisions, nous avons permis à ceux qui voudraient la finir de lui imposer une halte. Cela n’aura qu’un temps, le progrès reprend toujours. Pour le moment, je vous engage à disparaître. Attendez, laissez passer la réaction. Vous aurez votre place parmi nos successeurs, et si vous voulez bien calmer un peu cette ardeur excessive qui est en vous, ce goût du défi, vous la mettrez au jour, la république, quand elle sera mûre, ou plutôt quand nous serons mûrs pour elle.
    — Ah ! mon bon Claude, s’écria Danton en le serrant aux épaules et le tutoyant comme cela lui arrivait parfois dans un élan, tiens, je t’envie ta grande âme ! Oui, reprit-il, tu dois avoir raison. Je suivrai ce conseil, je partirai pour Arcis. Là-bas, dans la paix du village, je tâcherai d’acquérir ta sagesse. Toi, cependant, garde l’œil sur Robespierre. Oui, oui, je sais, mais laisse-moi te dire une chose : Ce petit homme serré comme un nœud, qui juge son talent très supérieur à sa fortune, a beau être incorruptible, c’est un redoutable ambitieux. Il ne m’aime pas, sois-en sûr, il voudra profiter de mon absence. »
    Dans ce moment, la popularité du « petit homme » était en train de grandir, en même temps que ses craintes. Après les accusations prononcées contre lui à l’Assemblée, ces jours-ci, il avait prévu, aux premières nouvelles du carnage, que les Feuillants s’efforceraient d’en faire porter sur les Jacobins affaiblis, particulièrement sur lui-même, la responsabilité. Il s’était vite rendu au couvent, où les spectateurs de la tragédie – les Roland entre autres – se réunissaient instinctivement, angoissés et, beaucoup, craintifs. Une lourde atmosphère d’effroi, d’impressions sinistres pesait sur la société qui sentait sa faiblesse. Sous l’impulsion de Robespierre, non moins inquiet, le club avait tout de suite désavoué formellement les « imprimés faux ou falsifiés » qu’on lui attribuait, rappelé que dès la première heure il avait retiré sa pétition et envoyé des commissaires à l’autel de la patrie pour recommander au peuple le respect de la loi. Enfin, on jura de nouveau fidélité à la Constitution, obéissance aux décisions de l’Assemblée. Mais alors on entendit une grossissante rumeur dans la rue. Les gardes soldés, ceux que le peuple surnommait « les mouchards de La Fayette », revenant du

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