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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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et ne verse rien au Trésor. Enfin, lui comme maître de la Monnaie, M. de Reilhac en tant que conseiller secrétaire du Roi, sont affranchis de la taille personnelle.
    — M. de Reilhac lui-même réprouve ces usages, il souhaite l’égalité de tous les citoyens devant l’impôt. Vous l’avez entendu souvent s’exprimer là-dessus.
    — En effet. C’est un honnête homme. Notez bien que pour lui cela n’aurait rien d’un sacrifice. Ce qu’il perdrait en renonçant à sa faible rente villageoise et à l’exemption de la taille, serait compensé, et au-delà, par la diminution considérable de l’impôt, si on répartissait celui-ci également sur les trois ordres. En l’occurrence, l’intérêt de Reilhac se confond avec le nôtre. Je doute que ce cher lieutenant général aille plus loin dans son désir de réformes. Quand j’ai parlé un jour, chez lui, d’abolir la vénalité des charges, j’ai bien vu que cette idée ne l’enchantait point. Vous comprenez, s’il vendait la sienne, il en tirerait peut-être cent mille livres.
    — Diantre ! Mettez-vous à sa place. On n’abandonne pas volontiers pareille somme.
    — Oui, oui. Oh ! il n’est pas très avancé !
    — Mon gendre, je trouve que vous le devenez furieusement, vous », observa M. Dupré.
    On pouvait en ce moment morigéner un peu ce garçon sans le blesser : les dames avaient quitté la salle, le repas fini, les laissant discuter entre eux.
    « Bah ! mon père, répondit Claude, pour obtenir un peu il faut demander beaucoup. Nous n’avons rien à perdre puisque nous possédons uniquement nos capacités et notre travail. Du reste, je n’attaque pas les grands bourgeois. Au contraire, je les mets en garde contre la colère que leur aveuglement risque de soulever dans le petit peuple. Enfin, nous n’obtiendrons rien, ni pour celui-ci ni pour nous, si nous laissons faire les privilégiés de notre ordre.
    — Il faudrait avant tout, dit M. Dupré non sans intention, que chacun cessât de penser à ses désirs propres, à ses rancunes (il souligna le mot), à ses intérêts personnels ou encore à ceux de ses pareils. Ce n’est pas l’avantage de certains, ni d’une classe entière, quelle qu’elle soit, qu’il convient d’envisager ; c’est le bien général. Souvenez-vous-en. »
    Claude sourit. Son visage prit cet air si jeune qui rendait pour un instant à l’adolescence ces traits proches de la trentaine.
    « Mon cher père, vous êtes, je le vois, au courant de ma tentative. Je m’y attendais, d’ailleurs. En parlant de rancune, vous songez qu’un sentiment de ce genre peut m’animer contre mon beau-frère Naurissane et les gens de son espèce. Vous vous trompez, je vous assure. J’ai expliqué à votre fille une des raisons qui me poussaient. Elle n’y a pas cru. Il y en a une autre. Je ne pouvais la lui dire. Vous n’ignorez pas combien Thérèse me déteste. Elle ne cesse de monter Lise contre moi. Cette influence qui s’exerce d’une façon quasiment quotidienne sur ma femme ne facilite pas notre vie conjugale, vous l’imaginez. En acquérant une situation à Paris, j’eusse éloigné Lise radicalement de sa sœur. Bien mieux : là-bas, auprès de la mienne et de mon beau-frère Dubon, elle se fût trouvée dans une atmosphère beaucoup plus favorable à notre bonheur. Voilà pourquoi j’ai failli faire une entorse à mes principes et une opération des plus aventurées, car le Parlement…
    — Sacrebleu ! mon garçon, s’écria M. Dupré en abattant sa lourde main sur la table, si vous jugez ainsi de Thérèse, et je ne vous donne pas tort, vous n’avez qu’à défendre à votre femme de la voir.
    — Que non pas ! répondit paisiblement Claude. D’abord, mon père, nous ne sommes plus au temps de l’époux maître et seigneur, laissez-moi vous le dire. Les femmes ont acquis des lumières, du raisonnement. Elles sont aujourd’hui des personnes. Lise, en particulier, l’est d’une façon singulièrement attachante, avec sa fraîcheur d’âme, son intelligence vive et fine, sa fierté, son sens de la justice, sa sensibilité, sa pudeur, sa bonté. Tout cela mérite des attentions et du respect. Tout cela ne se brutalise pas. En outre, j’aspire trop à la liberté pour vouloir contraindre autrui, et j’aime trop Lise pour songer à lui interdire quoi que ce soit. D’ailleurs, dans la situation délicate où nous sommes, on ne pourrait commettre pire maladresse que de

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