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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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mais je le crois ambitieux.
    — Fort bien. Il faut de jeunes ambitions et des têtes ardentes pour amener les choses là où l’on désire qu’elles soient. Nous reviendrons là-dessus. »
    Il se leva, remit son manteau, son chapeau.
    « Vous restez quelques jours ?
    — Je reprends la poste tout de suite. Il n’est pas indiqué que l’on me voie ici, pour l’instant. »
    Ils se saluèrent d’un signe. Après avoir refermé la porte, le drapier s’adossa dans son fauteuil, devant l’écritoire. Il demeura songeur. Plusieurs points de cette conversation lui déplaisaient autant que son interlocuteur lui-même.

V
    La Feuille hebdomadaire publia, cette semaine-là, un nouvel écrit signé Mounier-Dupré. Ses échos, à défaut de l’article lui-même, atteignirent la petite bourgeoisie, peu liseuse, et le menu peuple. Ils y furent accueillis avec la plus vive faveur. Le seul moyen de rendre la taxe effective, déclarait le jeune avocat, serait tout simplement de rembourser aux boulangers, pour chaque pain vendu, la différence à leur détriment entre le prix de revient et le prix de vente. Les sommes nécessaires à ce remboursement, on les demanderait aux consommateurs assez riches pour payer le pain au-dessus de la taxe, lesquels montraient par là combien peu les gênait une dépense supplémentaire.
    « Mon cher Claude, dit Louis Naurissane qui était passé le voir, je ne vous suis plus. Vous voilà en train de donner dans ce que l’on appelait à Rome la démagogie. Vous savez où elle a conduit l’Empire romain. »
    Les deux beaux-frères étaient assis face à face dans le cabinet, d’une austérité Spartiate avec ses casiers de bois noir contenant d’une part les sacs de procès, d’autre part les volumineux in-quarto juridiques – traités des causes, coutumiers, recueils d’arrêts de parlement, les Berroyer et les Du Moulin – vêtus de veau, sa table à écrire, en bois noir également, et une autre, appuyée au mur pour soutenir tout un faix de gazettes, d’opuscules, de brochures dont on apercevait d’autres piles dans un réduit servant au courantin qui grossoyait là, entre-temps, des copies.
    Claude regardait les manchettes et la cravate de son beau-frère, dont la malines devait bien valoir quelque quarante écus.
    « Mon cher Louis, il ne s’agit nullement de démagogie. Croyez-moi : si, un jour, les Naveteaux montaient en ville avec leurs lancis bien aiguisés, ils ne se contenteraient plus de quelques tourtes, soyez-en sûr.
    — Voyons, nul ici ne souffre la faim. Les indigents sont secourus, le pain n’abonde pas sans doute et cependant ne fait pas défaut non plus. Je regarde tout cela de près, je vous assure. Il n’y a point de disette, il n’y en aura certainement pas. C’est un épouvantail que l’on agite, à Dieu sait quelles fins !
    — Peu importe, dit Claude. Que le peuple souffre réellement la famine ou qu’il en ait peur parce qu’il se sait sans ressources contre elle, le résultat demeure le même : une grande part de la population craint et s’agite. Il faut faire quelque chose pour elle.
    — Pensez-vous la calmer en proposant des solutions extrêmes !
    — Allons, mon frère, considérez-vous vraiment comme une solution extrême de donner quelques sols pour être juste envers vos semblables ?
    — Assurément non, si c’est un appel au sentiment de justice, de fraternité. Vous présentez cela comme un droit, une exigence légitime des humbles, une sorte de punition pour les gens aisés. Est-ce un crime de l’être ? Ma fortune, je la gagne, je ne l’ai pas volée. Voilà pourtant l’idée que l’on semble vouloir donner au petit peuple. Elle me paraît dangereuse pour tout le monde. »
    La municipalité – dont faisait partie le père de Bernard, M. Delmay – partageait cet avis. Elle prit un moyen terme en imputant sur le budget communal une indemnité de compensation pour les boulangers. Ce qui n’empêcha pas ceux-ci, du moins un certain nombre, de limiter la quantité des pains vendus à la taxe pour réserver tout le reste aux clients susceptibles de payer le prix fort. Claude voulut encore intervenir : il écrivit un troisième article stigmatisant l’esprit de lucre et l’égoïsme de ces mercantis. Les termes de sa philippique étaient violents. Elle ne fut point insérée. Non qu’elle ne parût juste, mais, dit l’abbé Lambertie à l’auteur :
    « Mon cher monsieur, il ne nous sied ni à vous ni à

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