Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
votre époux n’est point entreprise pour un homme accablé de travaux. Malgré moi, je l’ai remise de jour en jour, comptant sur votre patience, sur votre bonté. Le cœur propose, les circonstances disposent. Ce n’est pas entièrement ma faute.
    — Les circonstances, allons donc ! Il serait plus vrai de dire : votre ambition.
    — Bon, fit-il en s’animant. Employez ce mot s’il vous convient. Ne vous y trompez pourtant pas, Lise. On me dépeint à vous, je m’en doute, comme un intrigant effréné, ivre de parvenir. Ce n’est point exact. J’aspire à jouer un rôle dans les destinées du royaume parce que je vois quelle magnifique nation il pourrait devenir entre de bonnes mains, parce que le désordre, le gaspillage des forces et des ressources, la déraison, les privilèges sans fondement logique, l’anarchie où nous sommes me révoltent. Il fut un moment où vous m’approuviez. Au fond de vous, j’en suis sûr, vous partagez encore mes opinions, au moins leur principe. »
    C’était vrai, elle ne pouvait le nier. Il y avait de la mauvaise foi dans sa critique.
    « Si je suis ambitieux, reprit Claude, c’est aussi pour vous, je vous l’ai dit. Vous ne m’avez pas cru, pourtant je parlais de tout cœur. Je voudrais vous voir dans la grande position que votre charme et vos qualités méritent. Quelle joie, si je parvenais à vous y porter de mes mains ! »
    Atteinte malgré elle par ces paroles, Lise examina son mari avec attention, puis, hochant la tête devant son air de gentillesse timide :
    « Même si vous étiez sincère, Claude, vous ne seriez poussé à ce désir que par l’orgueil. Avez-vous seulement pour moi de l’amitié ? J’en doute. Vous me consacrerez vos soins plus tard, dites-vous, trop occupé pour l’instant. Allons donc ! L’amour est-il chose que l’on range dans un coin afin de la reprendre quand on sera de loisir ? Pour ma part, je ne souhaite ni position en ce monde, ni honneurs, ni luxe. Ce que demande une femme, c’est un homme qui l’aime, tout simplement. Un homme qui ait un vrai besoin d’elle. Un homme dont elle soit sinon l’unique désir, du moins le principal. »
    Ce fut à Claude de la regarder longuement. « Si je comprends bien, dit-il, à la façon dont vous en parlez, vous l’avez trouvé, cet homme.
    — Oui, » avoua-t-elle après un silence. Elle corrigea : « Je l’avais trouvé avant de vous connaître.
    — Bernard Delmay ? »
    Elle ne dit rien, baissant les yeux. Claude s’en alla vers la fenêtre. C’était le matin, très tôt. Ils venaient de prendre ensemble leur déjeuner, dans le salon. Ils restaient encore l’un et l’autre en robe de chambre, Lise avec un bonnet de dentelle sur ses cheveux dépoudrés. Sa tasse demeurait à demi pleine. Claude laissa retomber le rideau qu’il avait machinalement soulevé en jetant un coup d’œil à la place bleuâtre encore de brume, à la cour de la Poste où il monterait après-demain dans la diligence. Il revint auprès de sa femme pour la contempler. Elle ne se déroba point à ses regards et il lui fit de la tête un petit signe, comme d’approbation.
    « Vous êtes franche et courageuse, Lise. C’est bien. Je savais, l’été dernier, que vous aviez un penchant pour Bernard. Cela ne me semblait pas sérieux. Malgré ses qualités, ce garçon était tellement au-dessous de vous.
    — Et vous vous estimiez tellement supérieur à lui, n’est-ce pas ?
    — Je vous en prie ! répliqua-t-il avec un geste apaisant. Je ne vais point en dire du mal. Au contraire, je m’accuse de n’avoir pas accordé assez d’attention à vos rapports à tous deux. Je les prenais pour un de ces fleuretages où une jeune fille s’essaie, je n’imaginais pas que vous puissiez y mettre de la conséquence. Peut-être étais-je distrait par ces discussions avec votre père et Reilhac. Mais comment eût-on songé !… Vous, Lise, devenir une petite mercière ! Alors que je considérais ma propre condition comme infiniment au-dessous de vous… En tout cas, rendez-moi cette justice : tant que Bernard s’est montré à Thias, tant que vous avez paru vous plaire à ce qui me semblait un amusement, je n’y ai point jeté le trouble. N’est-il pas vrai ? »
    Elle acquiesça vaguement de la tête. Le trouble, il l’apportait par sa simple présence. Ce n’était pas sa faute : il venait invité par son père à elle.
    « Puis, reprit Claude, Bernard a disparu. Votre père

Weitere Kostenlose Bücher