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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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me poussait, je vous ai fait alors ma cour. Vous avez consenti, sans élan, et cela ne me surprenait point, vous pouviez prétendre à tellement mieux qu’un garçon comme moi. Puisque vous ne me repoussiez pas, j’ai cru qu’à force d’amour et de patience je finirais par vous gagner, en m’élevant pour devenir digne de vous. »
    Il mentait encore, sans doute, toujours habile à jouer ces comédies auxquelles chacun se prenait. Pourtant ce qu’il disait était plausible, et il le disait d’un ton !… Irritée de se sentir sottement émue, elle lui lança :
    « À quoi bon cet historique ? Vous parlez, vous parlez ! Cela ne sert à rien.
    — Pardonnez-moi, cela me sert à mettre les choses au point en moi-même. Mais, en effet, vous avez raison. Quittons le passé, il n’y a plus à y revenir. Quant au présent ! »
    Avec un mouvement des épaules résigné, il ajouta : « Vous connaissez mes idées : la liberté de tout individu doit être entière. Nul ne peut, à aucun titre, tenir quiconque en esclavage. Eh bien, au contraire de ce que l’on vous a peut-être fait croire, il n’est pas dans ma nature de prêcher une chose et d’en pratiquer une autre. À mes yeux, vous n’appartenez qu’à vous seule, Lise. Vous êtes donc libre de disposer de vous.
    — Quoi ! s’exclama-t-elle, rose d’émoi, vous ne voulez pas dire…»
    Ce qu’elle s’était répété à elle-même lui paraissait inconcevable dans la bouche de son mari.
    « Je dis exactement ce qu’il me faut bien dire, hélas, ma chère ! Je n’ai pas su vous gagner, je vous ai délaissée. Tant pis pour moi ! Ne pensez pas que vous ne me soyez infiniment précieuse, ni que je me résigne sans peine. Je vous aime, Lise – mal sans doute, vos reproches sont justes. Je vous aime très profondément néanmoins. Raison de plus pour que je ne veuille point empêcher votre bonheur. Je sens trop combien j’ai dû vous être odieux.
    — Oh ! non, pas odieux ! » se récria-t-elle, bouleversée en découvrant qu’elle s’était peut-être trompée à son propos. Était-ce possible ? Mais ne lui fournissait-il pas à présent la preuve la plus irréfutable de sa sincérité ! Et de sa générosité !
    « Ne nous attendrissons pas, dit-il, cela nous égarerait. Calmez-vous, rappelez vos esprits. Vous réfléchirez. Dans deux jours, vous serez seule. Je souhaite que vous vous installiez à Thias où je vous saurai en sécurité. Là, vous prendrez le parti de votre raison et de votre cœur. Vous ne ferez rien que de juste, je le sais. Je ne vous demanderai pas de comptes. Pour tout ce que vous m’avez donné, mon amie, je serai toujours votre débiteur. »

VIII
    Le samedi, à trois heures du matin, Claude quittait la place Dauphine, avec Montaudon en vis-à-vis dans le coupé de la diligence. Les étoiles éteintes, la nuit était totale. On ne voyait même pas, au début du faubourg, le dôme du couvent de la Visitation. Il se confondait avec le ciel aussi sombre que les ardoises. En attaquant la première montée, la voiture passa devant la Manufacture de porcelaine où Claude avait grandi. Rien n’y bougeait. Il songea que néanmoins son père et sa mère, dans leur chambre obscure, devaient écouter le roulement de la diligence et faire des vœux pour le cher voyageur.
    Calé dans son coin, dans le noir, Montaudon reprenait placidement son sommeil interrompu. Claude n’éprouvait aucune envie de dormir. Une excitation vive et diffuse le portait en avant sans le séparer encore de ce qu’il laissait ici. Il pensait très vivement à Lise, qui avait consenti à retourner chez ses parents. Elle s’y était laissé conduire à la fin de la relevée, une fois toute chose en ordre dans la maison. En lui faisant là-bas ses adieux, après le souper en famille, il l’avait sentie hésitante, émue peut-être mais retenue. Elle ne s’était pas livrée et il n’avait pas essayé de la serrer dans ses bras. Comme elle l’accompagnait à la voiture – seuls tous deux, car ses parents restaient discrètement sur le seuil de la maison dans la nuit tombante –, il lui avait pris les mains pour lui dire avec sentiment :
    « Ah ! combien je regrette ce que j’ai follement perdu ! Je voudrais ne m’être jamais occupé que de vous. Si c’était à refaire…
    — Vous recommenceriez exactement de la même façon. »
    Brusquement, elle lui avait lancé, à l’instant où le père Sage fouettait déjà ses

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