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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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suivant son oncle au Palais-Royal, il caressait de vagues espoirs. À tout prendre, l’oncle Claude était jeune. Peut-être serait-il tenté de s’adjoindre, pour consommer une tasse de chocolat ou quelque boisson fraîche, la compagnie d’une de ces belles en brillants atours, que l’on voyait chercher elles aussi agréable compagnie, autour des cafés et des restaurateurs. Alors, sait-on ! Une fois connaissance faite…
    Hélas ! à la grande déception de Fernand lorgnant les galeries où la plupart de ces « déesses » abritaient à l’ombre leur blanc, leur rouge et leur poudre, l’oncle Claude restait planté près du bassin. Il écoutait un jeune homme vêtu de taffetas puce, en train de déblatérer au milieu d’un cercle. Il y en avait partout, des groupes de ce genre. Des nouvellistes. Tous s’agitaient. Le jardin était particulièrement effervescent, aujourd’hui. Sous les tentes bariolées des pavillons, sous les marronniers du quinconce, même dans les allées en plein soleil, sur les bancs, sur les chaises, aux tables des cafés, on discutait. Partout revenaient les mêmes mots : Réveillon, férocité, le peuple, la Cour, massacre… Ce bourdonnement montait avec la poussière du sol, dans le papillotement des couleurs vives et de la verdure, sous le soleil. C’était une palpitation constante, faite des mouvements de mille figures, des habits, des robes. Le regard de Fernand sautait sans cesse d’une jolie bouche à un autre visage, de beaux yeux à une gorge qu’un rire renflait, au frétillement d’une cheville sous un volant.
    Claude, lui, fixait son attention sur le petit cercle où le jeune homme en habit puce, la figure ouverte et vive, attaquait la Cour sur le drame de la veille. Malgré certaine difficulté d’élocution, il poussait avec chaleur ses arguments. Selon lui, il eût été facile de disperser sans dommage les mutins, en s’y prenant d’abord.
    « Mais, affirmait-il, on voulait qu’ils s’engageassent, que… hon, hon… le saccage fût bien accompli, afin d’effrayer les gens d’ordre et de leur montrer à quelles fureurs le peuple se porterait si, écoutant les libéraux comme nous, on cessait de le maintenir dans ses chaînes. Hon… on a donc attendu. Puis, une fois la démonstration faite, pour frapper alors de terreur les ouvriers, pour prouver aux bourgeois timides de quel côté se trouvent la force et leur propre sécurité, on a réagi avec une… une férocité dont on chercherait vainement l’exemple ailleurs qu’aux plus sauvages moments de l’Empire romain.
    — Bravo, Camille ! lança un des auditeurs, qui, les pieds appuyés au rebord du bassin, se balançait avec sa chaise. Bravo ! tu es éloquent comme Démosthène, ce matin.
    — Avant qu’il ait fait usage des petits cailloux, répondit en souriant le nommé Camille. Ne raille pas, mon ami.
    — Je ne raille pas. Tu exprimes parfaitement ce que nous pensons tous. La Cour veut des réformes à son profit, non point une véritable révolution. Elle ne reculera devant rien pour y faire échec.
    — Hon, hon, c’est… c’est la Cour, je l’affirme, c’est la femme du Roi, les instigatrices de ce monstrueux complot, et je… je l’imprimerai noir sur blanc. On a vu, parmi les meneurs, des hommes à pistolets. Le peuple en possède-t-il ? La Cour et la femme du Roi ont lancé sans vergogne leurs troupes étrangères, leurs Allemands, leurs officiers autrichiens sur les ouvriers français demandant du pain. Pour assurer leur despotisme, elles ont arrosé de notre sang le sol de la patrie. »
    Claude écoutait, un peu surpris, tenté de répondre à ces propos, mais il n’était pas ici pour donner son opinion, pour dire à ces « citoyens » qu’en ce qui concernait le retard mis à réprimer l’émeute, ils se trompaient peut-être. Au fond, il n’en savait rien. Tout bien pesé, le on énigmatique pouvait être effectivement la Cour. Qu’en disait-on dans les autres cercles ? Suivi de Fernand qui lorgnait toujours avec mélancolie, il alla de groupe en groupe. Dans les uns comme dans les autres, on entendait le même cri contre la Cour, ses intrigues, ses noirs desseins, contre les dévergondages et les insolences de la Reine. Un peu plus tard, en dégustant avec son filleul des sorbets sous la tente d’un limonadier, il ouït un autre air. Là, un officier des gardes-françaises – habit bleu, veste rouge, culotte blanche – et quelques hommes de mine

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