Lancelot du Lac
l’affaire ! »
C’est alors que Lancelot intervint. Son poing s’abattit sur le bras du brigand qui s’apprêtait à se saisir de la jeune fille. « Vassal ! clama-t-il, laisse mon amie ! Sur ma tête, tu ne l’emmèneras pas aussi facilement que tu l’imagines ! Tu me parais bien sûr de toi ! » Narquois, l’autre se retourna vers Lancelot : « Seigneur, dit-il, je tiens quitte le père ! Jamais, sur sa contrée, je ne lui ferai plus tort ou dommage. Mais puisque tu oses me lancer un défi, je le relève. Je vais me distraire avec toi, et vaincu ou mort, personne ne te pleurera ! »
Et, sans plus tarder, ils reculèrent pour mieux se précipiter l’un sur l’autre. Ils le firent à une telle vitesse et si violemment qu’ils brisèrent leurs lances et leurs boucliers et se retrouvèrent tous deux à terre, l’épée à la main. Le combat s’engagea avec rage. Le chevalier de la montagne s’acharnait, mais Lancelot ne reculait pas d’un pas, rendant bien et si vite les coups qu’il finit par fendre un morceau du heaume de son adversaire. L’épée glissa sur l’oreille, la coupant net. « Sainte Brigitte, à l’aide ! cria le blessé. À qui donc m’en suis-je pris ? – À celui auquel tu as volé ses armes et son cheval hier soir ! répondit Lancelot. Maintenant, je vais te le faire payer très cher, sans pour autant te prendre un denier ! – D’où es-tu donc ? – Du royaume de Bretagne. – Quel est ton nom ? – Lancelot du Lac, fils du roi Ban de Bénoïc ! – Alors, dit le brigand, je n’ai que ce que je mérite, puisque j’ai causé du tort au meilleur chevalier du monde. Allons, il ne me reste plus qu’à terminer cette bataille ! »
De nouveau il se jeta sur Lancelot. Les coups plurent dru sur leurs boucliers qui tombèrent bientôt en pièces. Puis ils en vinrent au corps à corps. De son côté, le vicomte avait fait armer en secret dans la forêt dix chevaliers et trente serviteurs, de ceux qu’il savait les plus braves et les mieux entraînés, prêts à venir à la rescousse, selon la tournure du combat. Mais finalement Lancelot parvint à terrasser son adversaire et posa froidement son épée sur son cou. « Lancelot ! cria le brigand, fais la paix entre le vicomte et moi ! Plus jamais je ne le provoquerai ! Je serai son vassal et son allié, et s’il veut du mariage, je prendrai sa fille pour épouse ! – Avoue d’abord que tu es vaincu ! » Le brigand se releva, furieux : « Aussi vrai que je crois en Dieu, dit-il, jamais je ne m’avouerai vaincu ! » Et il voulut reprendre le combat. Mais ayant perdu beaucoup de sang, il fut saisi de faiblesse. Lancelot lui arracha son heaume et, d’un seul coup, lui fit voler la tête. Le combat était terminé.
Le vicomte alors poussa son cri de ralliement, et, de la forêt, les chevaliers et les serviteurs qu’il y avait cachés surgirent brusquement, plongeant les autres brigands dans la stupéfaction, puis la terreur. Ils essayèrent de se sauver vers la montagne, mais furent mis en pièces. Le vicomte et Lancelot montèrent jusqu’à leur repaire et y mirent le feu. Puis ils retournèrent tranquillement dans la forteresse. On désarma Lancelot, on lui donna de beaux vêtements, on lui servit un bon souper, et chacun se réjouit grandement, comblant de louanges celui qui avait enfin débarrassé le pays des brigands qui l’infestaient.
Cependant, le vicomte prit Lancelot à part et lui dit : « Seigneur, tu m’as rendu un service que je n’oublierai pas de sitôt. S’il te plaisait de rester avec moi, tu pourrais commander cette forteresse et mes domaines. Tu pourrais également épouser ma fille, ou, si le mariage ne te convient pas, du moins l’avoir dans ton lit. Tout ce que tu vois autour de toi, tu peux le considérer comme ton bien. Rien ne te sera interdit. – Cher seigneur, dit Lancelot, ta proposition me touche, mais c’est tout autre chose que je suis venu chercher en cette terre. » Et, sur la prière de son hôte, il raconta comment, à la suite d’un message délivré par une jeune fille à la cour d’Arthur, il était parti à la recherche du Royaume sans Nom.
À ces mots, le vieillard se mit à se lamenter. « Seigneur ! s’écria-t-il, je suis bien tourmenté et peiné que tu ailles ainsi chercher la mort ! – Explique-toi, demanda Lancelot. – Je connais le pays que tu appelles le Royaume sans Nom, et je vois qu’il est le but de ton voyage. Eh bien,
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