Lancelot du Lac
commença à ceindre l’épée à ceux qu’il venait de faire chevaliers.
Il ne lui restait plus à armer que le fils du roi Ban. C’est alors qu’une jeune fille entra dans la salle, très belle et très blonde, avec des tresses qui semblaient d’or fin et des yeux bleus qui brillaient comme des saphirs. Elle avança en soulevant légèrement sa robe de soie mauve brodée d’or. Parvenue devant le roi, elle laissa retomber sa robe sur l’herbe fraîche, puis elle le salua. Les chevaliers et les dames qui se trouvaient là s’étaient approchés pour mieux voir sa beauté, et l’on aurait pu couper leur aumônière sans qu’ils s’en doutassent, tant ils étaient béats d’admiration devant cette radieuse apparition. S’apercevant de l’émoi que sa vue suscitait, elle se mit à rire.
« Roi Arthur ! s’écria-t-elle très haut, Dieu te sauve, toi, ta compagnie et tous ceux que tu aimes ! Je te salue de la part de la Dame de Nohant et de moi-même ! – Belle douce amie, répondit le roi, rien ne peut me faire plus plaisir que d’être salué par la Dame de Nohant, et ce plaisir est augmenté par ce que tu me dis. Tu as grande part dans ce salut puisque tous ceux que j’aime y sont compris. » La jeune fille regarda l’assistance et continua : « Seigneur roi, rien ne me plaît tant que d’être avec toi et les gens qui sont en ta compagnie. Mais voici ce qui m’amène : ma Dame, qui tient les terres de Nohant, te demande aide et assistance comme à son seigneur lige, car le roi de Northumberland a envahi et ravagé ses domaines. Ma Dame s’y est opposée tant qu’elle a pu, et tous deux ont conclu un accord : ma Dame pourra faire défendre son droit par un chevalier contre un, ou par deux contre deux, ou par trois contre trois. Elle te demande de bien vouloir envoyer le champion qu’il te plaira, pourvu qu’il soit brave et généreux. – Belle amie, répondit Arthur, je secourrai volontiers la Dame de Nohant puisqu’elle tient sa terre de moi. Mais, même si ce n’était pas le cas, elle aurait quand même aide et assistance, car je ne peux laisser une jeune femme sans défense quand elle est attaquée injustement. »
Quand Lancelot entendit ce que disait le roi, et pendant qu’on emmenait la jeune fille vers la chambre de la reine afin qu’elle pût s’y reposer, il s’en vint vers lui et, s’agenouillant, lui demanda comme un don de lui permettre d’aller au secours de la Dame de Nohant. Arthur hésitait. Alors le jeune homme insista : « Seigneur roi, dit-il, tu ne peux pas refuser le premier don que je te demande depuis que tu m’as fait chevalier. Je serais peu prisé par les autres, et moi-même je douterais de ma valeur si tu ne voulais pas me confier une mission qui incombe à un chevalier ! » Yvain intervint en faveur du jeune homme, et Gauvain fit de même. Tous deux signifièrent au roi qu’il ne pouvait éconduire le Blanc Chevalier sans un motif valable. Or il n’existait aucun motif pour priver le nouveau chevalier d’un exploit qu’il pouvait certainement accomplir et duquel il retirerait honneur et profit pour la plus grande gloire du roi et des compagnons de la Table Ronde. Le roi se laissa convaincre et octroya le don à celui qu’il ne connaissait que sous l’appellation de Blanc Chevalier, mais qu’il jugeait plein de promesses. En fait, ce que voulait Arthur, c’est que le jeune homme restât à la cour. C’est pourquoi, quand le Blanc Chevalier fut parti, ayant obtenu son congé, le roi se dirigea vers la chambre de Guenièvre et dit à celle-ci : « Ce jeune homme qui a tant d’allure et qui est le protégé de la Dame du Lac, je viens de l’envoyer défendre l’honneur et les biens de la Dame de Nohant. Mais, je t’en prie, Guenièvre, lorsqu’il reviendra, fais tout ce qui est possible pour le retenir parmi nous, car quelque chose me dit que nous aurons besoin de sa vaillance et de son courage. »
Cependant, Lancelot s’était précipité vers le logis qu’il occupait. Il prit ses armes et fit approcher son cheval. Mais, tout à coup, Yvain, qui l’avait accompagné et qui l’aidait à s’armer, le vit pâlir. « Qu’as-tu donc ? » lui demanda-t-il. Lancelot se mit à balbutier : « C’est que, sans y penser, j’ai pris courtoisement congé du roi, mais que je n’ai pas obtenu le congé de la reine ! – C’est juste, dit Yvain, ma Dame, la Reine, mérite bien qu’un chevalier qui part en mission
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