Lancelot du Lac
salle de la forteresse de Camelot.
Cependant, le fils du roi Ban avait rejoint très vite les suivantes de la Dame du Lac qui portaient son épée. La Dame lui dit en souriant : « Je savais bien que tu reviendrais vers nous, Beau Trouvé ! Que peut faire un chevalier sans son épée ? Souviens-toi, Lancelot, souviens-toi du jour où je te l’ai confiée : je t’ai dit alors de ne jamais t’en servir injustement. Je te le redis aujourd’hui avec encore plus de force, puisque tu as été adoubé par le roi Arthur. Et sache que si je t’ai donné cette épée lorsque tu es parti, la première fois, du domaine du Lac, c’est une autre femme qui doit l’attacher à ta ceinture afin que tu sois son unique protecteur. » En disant ces mots, la Dame du Lac souriait : « Souviens-toi de ce que je t’ai révélé, Fils de Roi, et va ton chemin pour la gloire de Dieu et du royaume de Bretagne ! » Lancelot fit une nouvelle fois de tendres adieux à celle qui l’avait élevé et éduqué, et, forçant l’allure de son cheval, il arriva bientôt devant la cité de Nohant.
Aux alentours, le pays était complètement ravagé et les maisons des villages incendiées. Le roi de Northumberland et ses hommes étaient occupés à piller les moindres maisons, et les gens de la cité de Nohant étaient tous sur les remparts en train de guetter l’arrivée des ennemis. Lancelot se présenta à la porte. « Ouvrez-moi ! cria-t-il. Je viens de la part du roi Arthur pour défendre le droit de votre Dame ! » Quand les sergents qui étaient de garde virent qu’il était seul, ils abaissèrent le pont-levis et le laissèrent entrer.
Les vilains des environs étaient venus se réfugier dans la ville, et elle était si remplie de gens que le Blanc Chevalier erra longtemps avant de trouver à se loger. Enfin, dans une petite rue, il aperçut un bronzier qui lui sembla de bon sens et qui était assis sur le seuil de sa maison. Il lui demanda aimablement s’il pouvait l’héberger, mais l’autre lui répondit qu’il n’avait pas de place. Cependant, la femme du bronzier, qui avait entendu la conversation, et qui était une femme belle et avenante, insista tant auprès de son mari que celui-ci offrit à l’étranger la grange qu’il avait derrière sa maison. La femme se hâta d’aller balayer et de répandre de la paille fraîche, puis de dresser un lit, sur lequel Lancelot s’étendit pour se reposer. Pendant ce temps, l’hôte avait conduit le cheval à l’écurie. Puis, quand il fut suffisamment remis des fatigues de sa course, Lancelot sortit et se dirigea, à travers les rues, vers le palais de la Dame de Nohant.
Il entra dans la grande salle. La Dame se trouvait là, dans l’embrasure d’une fenêtre, en compagnie de son sénéchal avec lequel elle conversait, se demandant avec angoisse comment elle pourrait continuer à défendre sa terre, car nombre de ses chevaliers avaient été durement blessés lors des dernières rencontres. Le Blanc Chevalier vint à elle, et après l’avoir saluée, il lui dit que le roi Arthur l’avait envoyé pour soutenir son droit. « Beau seigneur, que Dieu donne bonne aventure au Roi Arthur. Sois le bienvenu dans la cité de Nohant. Mais dis-moi, quel est ton nom ? – Dame, je suis un chevalier qui vient d’être adoubé, et l’on me nomme le Blanc Chevalier. » À ces mots, la Dame baissa tristement la tête, se disant que dans les circonstances pénibles dans lesquelles elle se trouvait, il lui aurait fallu un guerrier expérimenté et non un débutant. Néanmoins, elle pria le Blanc Chevalier d’aller se reposer avec ses chevaliers, et elle-même se retira dans sa chambre, toute triste et désemparée.
Quand l’heure du souper fut venue, que les tables furent dressées et que l’eau fut cornée, les chevaliers et la Dame de Nohant vinrent s’asseoir, chacun à sa place ordinaire. Ils se mirent tous à manger sans adresser une parole au Blanc Chevalier et sans s’occuper de lui. Il était resté dans l’embrasure d’une fenêtre et commençait à sentir la colère monter en lui. « J’ai vu bien des hôtes pénibles et insouciants, mais aucun d’eux ne m’a traité de cette façon ! » murmura-t-il amèrement. Alors, brusquement, il quitta la salle et le palais et s’en revint à son logis. Là, il parla au bronzier et à sa femme, leur donna des pièces d’or et leur dit d’aller acheter tout ce qu’il fallait pour un grand festin, en
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