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L'ange de la mort

L'ange de la mort

Titel: L'ange de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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matinée d’hiver. Le père Thomas les invita à s’asseoir et leur servit du vin chaud dans des gobelets en bois. Ranulf eut des difficultés à l’avaler, mais le but quand même, avec gratitude. Une fois qu’ils furent à leur aise, le moine alla s’asseoir à la table et se pencha vers eux, le visage ridé par l’anxiété.
    — Alors, Hugh, pourquoi désirez-vous me voir ? Êtes-vous en bonne santé ?
    — Je viens vous parler poisons, mon père, répondit Corbett en s’amusant du regard scandalisé de l’ecclésiastique.
    S’approchant de lui, il tapota les longs doigts osseux.
    — Allons, mon père ! Je ne suis pas venu me confesser et je n’ai pas l’habitude de discuter de poisons, mais j’aimerais que vous me disiez quelles en sont les différentes sortes.
    Le père Thomas grimaça et d’une voix heurtée lui énuméra une liste de poisons et de drogues que l’on tirait des plantes, comme la belladone et la digitale. Il s’enflamma petit à petit pour son sujet et en vint à décrire dans le détail chaque substance : comment elles étaient fabriquées, comment on devait les administrer, quels étaient leurs effets secondaires et leurs antidotes. En l’écoutant, Ranulf, qui trouvait la plupart des termes difficiles à comprendre, se rendit soudain compte d’une chose : son cachottier de maître pensait que le prêtre qui, la veille, s’était écroulé mort dans la cathédrale, avait été empoisonné. De plus, tous les poisons mortels décrits par le père Thomas agissant en quelques minutes, Ranulf en déduisit que le meurtrier devait avoir frappé pendant la messe. Enfin, le moine se tut et Corbett le remercia d’un signe de tête.
    — Vous connaissez probablement la raison qui m’amène ici ?
    Le père Thomas eut un geste désolé et fit signe que non.
    — Nos tâches nous absorbent beaucoup, Hugh. Je suis très peu au courant de ce qui se passe, à part vos promotions, ajouta-t-il en souriant. Nous étions ensemble à l’université, il y a de cela si longtemps ! Oxford me paraît si loin... C’est étrange, poursuivit-il en contemplant les champs couverts de gelée par l’étroite fente de la fenêtre. Quand j’y repense, tout me semble avoir eu lieu au coeur de l’été. Vous savez, je ne me souviens pas d’avoir étudié pendant l’hiver ou quand il faisait froid. On aurait dit que le soleil brillait toujours.
    Hugh sourit et approuva silencieusement. Toutes les fois qu’il repensait à ses années d’Oxford ou à sa vie avec Mary, chaque journée, chaque souvenir était associé à l’été, au chaud soleil, à l’herbe verte et luxuriante, au doux balancement des arbres dans la brise légère, au bavardage de sa petite fille et à la présence sereine de son épouse. Peut-être était-ce là la finalité de la mémoire : vous donner du baume au coeur, du courage et de la force pour l’avenir.
    Il se leva en haussant les épaules et prit la tête du père Thomas entre ses mains pour l’embrasser doucement sur le front.
    — Mon père, s’exclama-t-il, croyez-moi : notre amitié et nos souvenirs partagés m’aident à parcourir les chemins que je foule et qu’assiègent des forces mauvaises que vous ne pouvez même pas concevoir !
    Le père Thomas se leva à son tour et emprisonna la main de Corbett dans les siennes en protestant que le clerc ne lui rendait pas assez souvent visite ; puis il les raccompagna à la porte d’entrée.
    Suivi d’un Ranulf ronchonnant, Corbett retraversa la vaste étendue de Smithfield et repassa par Newgate. L’animation régnait à présent dans la cité : les éventaires étaient ouverts et les étals des échoppes, protégés des intempéries par de la toile, étaient abaissés. Ils croisèrent une file de prisonniers qu’on emmenait de la prison de Newgate au Banc du Roi à Westminster ; enchaînés les uns aux autres, des anneaux de fer enserrant leurs chevilles, leurs poignets et leur cou, les malheureux étaient obligés de trottiner dans la neige. Certains – jeunes garçons et filles – dépourvus de chaussures et de jambières poussaient des cris pitoyables lorsqu’ils se déchiraient les pieds sur les arêtes coupantes et les aspérités dues aux immondices pris sous la glace. Des ribaudes, arrêtées la veille par les baillis de la cité pour vagabondage sur la voie publique, franchissaient le seuil de la prison, leurs robes et capuchons écarlates abîmés ou en lambeaux, la tête affublée de

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