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L'ange de la mort

L'ange de la mort

Titel: L'ange de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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coiffes blanches. Un unique joueur de cornemuse les précédait tandis que les encadraient deux rangées de soldats à l’air harassé et à la démarche traînante qui répliquaient par des gifles et des jurons grossiers aux plaisanteries obscènes et aux quolibets des filles. Une mendiante se précipita vers Corbett ; borgne, les narines rongées par quelque terrible maladie, elle serrait fortement contre sa poitrine un bébé qui vagissait.
    — Ayez pitié ! Ayez pitié {21} !
    Corbett s’arrêta. La pauvrette s’exprimait en français normand. Elle avait peut-être été, autrefois, dame de qualité, une maîtresse répudiée qui avait, petit à petit, dégringolé dans l’échelle sociale et se retrouvait à présent dans les bas-fonds et les taudis de la Newgate et de la Fleet.
    — Ayez pitié ! répéta-t-elle.
    Il fouilla dans son escarcelle et lui tendit deux pièces d’argent. Elle lui sourit et fit volte-face ; Corbett s’aperçut alors que le paquet qu’elle portait n’était pas un bébé, mais un chaton. Cette femme était une mendiante professionnelle qui avait simulé, sur son visage, des plaies repoussantes pour susciter la pitié des passants.
    Corbett rit jaune.
    — N’est-ce pas étrange, Ranulf ? Même quand on veut se montrer miséricordieux, on en est pour sa peine !
    Ranulf eut un geste évasif. Il ne comprenait pas son maître, ni son geste spontané de générosité apparemment déplacé chez un homme qui, quelques heures plus tôt, l’avait tiré sans ménagements du lit pour le jeter dans la neige et le froid. Ils poursuivirent leur chemin, tournèrent à gauche pour descendre Old Dean’s Lane, Bowyer’s Row et Fleet Street vers le sud, avant de longer le grand fossé dont les détritus affleuraient à la surface gelée et de passer devant White Friars, le Temple, Gray’s Inn et les riches demeures des hommes de loi, aux poutres à bouts dorés, puis d’arriver à la grande artère menant au palais et à l’abbaye de Westminster. Il y régnait une agitation frénétique : des juristes au capuchon rayé, des juges en robe rouge bordée d’hermine et précédés par leurs huissiers, des baillis, des officiers et quelquefois un chevalier banneret de la Maison du roi, tous arboraient cet air important et pressé qu’affectionnent les notables pour bien souligner leur rang et faciliter l’exercice de leur fonction.
    Corbett et Ranulf se frayèrent un chemin dans la cohue, dépassèrent la tour de l’Horloge et gravirent l’escalier large et majestueux qui menait au Grand Hall de Westminster. Ce n’était pas la première fois que Corbett y venait. Il travaillait la plupart du temps à la Chancellerie de l’hôtel du roi qui s’établissait là où le souverain décidait de tenir sa cour, parfois à Eltham, sur la rive sud, parfois à la Tour ou au palais de Sheen, ou encore dans l’un des manoirs royaux d’un comté lointain. Mais ils revenaient toujours à Westminster. C’est là, dans les recoins du Grand Hall, que se tenaient les différentes cours, l’Échiquier, les Plaids communs, et, sur l’estrade, le Banc du Roi où le Chef-Juge {22} , assisté par des juges royaux, rendait la justice au nom du monarque. Tout un dédale de couloirs, bureaux et petites chambres partait du Grand Hall et chacun – messager, maître des comptes, rapporteur, maître de travaux, maître de l’hôtel du roi, chambellan – régnait sur son petit empire.
    Corbett se félicitait d’être temporairement délivré des querelles qui dominaient la vie de bureau, car en tant que haut magistrat à la Chancellerie, il passait constamment d’un service à l’autre. Il était généralement aux côtés du roi lorsque celui-ci apposait le Grand Sceau d’Angleterre sur des chartes, en présence de grands barons qui ratifiaient le document. À de rares occasions, il se trouvait seul avec le souverain quand il s’agissait d’envoyer, sous sceau privé, des courriers à de hauts dignitaires, shérifs, baillis ou officiers de recrutement dans les comtés. Son travail lui plaisait. Il était passionné par l’étude des manuscrits, la préparation du vélin, l’écriture ; il prenait un certain plaisir à écrire sur du beau parchemin, bien poncé ; il aimait l’odeur de l’encre séchée et la vue de la plume taillée. Il se réjouissait quand on lui apportait des lettres à recopier et éprouvait de la satisfaction en lisant les réponses adéquates, prêtes à être

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