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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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revenait de l’aiguade, la cruche sur la tête et du bois pour le feu sous le bras.
    — On regarde mais on ne touche pas ! prévint François.

Le surlendemain vendredi sur les quatre heures après midi, un sergent de Nossa Senhora do Monte do Carmo vint prévenir Jean que le capitaine-major le convoquait en consultation au fort São Sebastião. Il se pensait atteint de petite vérole. À la remarque qu’il y était interdit de séjour par dom Estêvão, l’émissaire rétorqua que lui-même ne savait plus très bien qui commandait au château mais qu’une manière de trêve des armes permettrait sans doute d’attendre la mousson sans le déclenchement d’une guerre civile.
    Ils furent accueillis le lendemain matin à la poterne par un sergent de dom Cristóvão qui y prenait maintenant la faction en double des gardes du général. Lors de leur convocation musclée chez le gouverneur, ils n’avaient pas remarqué entre le rempart de mer de la forteresse et la courtine une construction blanche que la sentinelle leur dit être la chapelle de Nossa Senhora do Baluarte, Notre-Dame du Rempart.

    Dom Cristóvão était couvert de pustules rouges et séreuses. Jean confirma le diagnostic du chirurgien-major. Il s’agissait seulement de bourbouille, une affection cutanée bénigne causée par la conjonction de la transpiration et d’un manque d’hygiène corporelle que le médecin traitait par des saignéesrégulières. Une démangeaison furieuse avait transformé le corps du capitaine-major en croûte écailleuse. Jean conseilla d’interrompre les saignées, de réinstaller le malade à bord de la caraque amirale et de maintenir constamment sa chambre ouverte au vent de mer. Il prescrivit l’absorption de lait et de pulpe de coco frais et des frictions à l’huile de ce fruit. Orta conseillait bien sûr la poudre de bézoard. L’opportunité était bonne de vérifier son efficacité. Les pierres étant en grande quantité dans une pièce forte de l’entrepôt de la forteresse, la seule difficulté était d’en obtenir une à l’insu du gouverneur. Il expliqua à un secrétaire du capitaine-major comment une obole déposée dans une bonne main lui permettrait de se procurer une pierre, et comment la râper en poudre. Il suffirait d’attendre que tout cela fasse effet. Jean promit à son patient qu’il serait sur pied pour assister à la messe de Noël. Moins par confiance en la science de l’apothicaire français que pour rompre avec tout ce qui pouvait lui rappeler dom Estêvão de près ou de loin, le malade ordonna de préparer immédiatement ses appartements à bord de Nossa Senhora do Monte do Carmo .

    François laissa Jean rentrer en pirogue, et s’attarda autour de la citadelle. Ils n’avaient jamais visité les abords de l’unique monument de l’île, par mauvaise humeur d’y avoir été interdits d’accès. À l’extrémité de la presqu’île portant la forteresse, la chapelle du Rempart faisait face à la mer et aux peuples sauvages. Ce cube crénelé surmonté d’un clocheton était un édifice militaire autant que militant. La moisissure rongeait de noir son enduit à la chaux comme si la nature africaine rejetait un parasite en le digérant. François s’y rendit par curiosité mais surtout guidé par un tropisme lui faisant remonter le vent du large. Il descendit de deux marches dans un vide d’une fraîcheur de sépulcre. La nef résonnait encore du grincement du loquet de fer qu’il venait d’actionner. Elle était banale et nue, sinon un autel baroque en bois peint et doré presque sobre et la lueur rouge du Saint-Sacrement.

    Près de l’autel, une masse sombre indiquait que des femmes, religieuses ou laïques, étaient en prière, agenouillées à mêmeles larges dalles de tuf qui devaient provenir de la terre ferme. François n’était pas entré dans une église depuis leur visite de Santa Maria des Hiéronymites de Belém. L’environnement et son odeur de cierges le ramenèrent de façon inattendue dans un monde familier et solide. Une émanation de Lisbonne ou de Dieppe, d’un chez lui en marge des anormalités prégnantes qui s’imposaient depuis qu’ils avaient embarqué au Restelo. Il ferma les yeux, croisa les bras et s’adossa au mur bosselé et rugueux. Il ne priait pas, parce que l’idée ne lui était pas venue. Il imaginait très fortement qu’il était à Saint-Jacques de Dieppe. Il renonça assez vite à se convaincre que rien ne s’était

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