Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
Vom Netzwerk:
train de former une nouvelle armée à Rennes et La
Roche-Derrien était la plus isolée, la plus reculée de toutes les possessions
anglaises en Bretagne. Lorsque le duc Charles se ressaisirait de la ville, il
ne manquerait pas de récompenser Belas, son instrument, et n’aurait aucun égard
pour cette Jeannette Chénier de basse extraction.
    Ainsi Jeannette, ne pouvant reprendre possession de sa
maison, en avait-elle trouvé une autre plus modeste près de la porte sud.
Retrouvant sa ville, et afin de se mettre en règle avec le Ciel, elle était
allée se confesser au curé de l’église Saint-Renan. Le prêtre, après lui avoir
reproché d’avoir péché au-delà de toute mesure humaine et peut-être même
divine, s’était déclaré prêt à lui donner l’absolution si elle acceptait de
pécher avec lui. Et il avait levé sa robe séance tenante afin de pouvoir
l’absoudre. Hélas pour lui, il avait été coupé aussitôt dans son élan : la
pécheresse lui avait administré un coup de pied judicieusement placé qui lui
avait arraché un hurlement à écorcher les oreilles de ses ouailles.
    Elle continuait à venir entendre la messe à Saint-Renan, car
c’était l’église de son enfance et ses parents étaient enterrés sous le tableau
représentant le Christ sortant de son tombeau tout auréolé de lumière dorée. Le
prêtre n’osait pas lui refuser les sacrements ni rencontrer ses yeux.
    Pour remplacer ses serviteurs perdus avec sa maison, elle
avait engagé une fille de cuisine, une paysanne âgée de quatorze ans, ainsi que
son frère, un faible d’esprit, pour aller puiser l’eau et ramasser le bois de
chauffage. Jeannette avait calculé que les joyaux du prince assureraient sa
subsistance pendant une année, laps de temps qui verrait sûrement le vent
tourner en sa faveur : elle était jeune, elle était très belle, son enfant
était pris en otage et elle était poussée par la haine. Quelques-uns, en ville,
craignaient qu’elle ne fût devenue folle car elle était beaucoup plus mince
qu’avant, mais ses cheveux étaient toujours couleur aile de corbeau, sa peau
aussi douce qu’une soie précieuse, et ses yeux immenses brillaient comme avant.
Les hommes venaient quémander ses faveurs, mais la belle leur répondait qu’ils
ne pourraient l’approcher avant de lui avoir rapporté le cœur écrabouillé de
Belas le notaire et la verge pareillement écrasée de Charles de Blois.
« Rapportez-les-moi tous deux enfermés dans des reliquaires, disait-elle,
mais ramenez-moi mon fils vivant. » La violence de son courroux rebutait
les hommes et certains se mirent à jaser.
    La rumeur courut qu’elle avait reçu un coup de lune, qu’elle
se livrait peut-être à la sorcellerie. Le curé de Saint-Renan confia aux autres
prêtres de la ville que Jeannette avait essayé de l’induire à la tentation et
proposa de faire appel à l’Inquisition. Mais les Anglais ne voulurent rien
savoir car le roi d’Angleterre refusait de permettre aux tortionnaires de Dieu
d’exercer leur sombre métier au sein de ses possessions.
    « Il y a déjà assez de mécontentement, avait dit Dick
Totesham, le commandant de la garnison anglaise, sans rajouter ces maudits
moines par-dessus. »
    Totesham et sa garnison savaient que Charles de Blois était
en train de lever une armée qui attaquerait La Roche-Derrien avant de marcher
sur les autres possessions anglaises en Bretagne. Pour s’y préparer, ils
travaillèrent avec acharnement, surélevant les murs de la ville et construisant
de nouveaux remparts à l’extérieur des anciens. Les laboureurs des fermes de la
région furent enrôlés de force. On les contraignit à pousser des chargements
d’argile et de cailloux, à planter des poutres dans le sol pour fabriquer des
palissades et à creuser des fossés. Leur haine de ces Anglais qui les forçaient
à travailler sans les payer ne faisait que grandir, mais les Anglais n’en
avaient cure, car il y allait de leur survie. Totesham obtint de Westminster
des renforts. À la Saint-Félix, à la mi-janvier, une troupe d’archers gallois
accosta bien à Tréguier, le petit port situé à une heure et demie de marche en
amont de La Roche-Derrien, mais hormis cela, les seuls renforts consistèrent en
une poignée de chevaliers et d’hommes d’armes sans le sou attirés par la
perspective du pillage et des rançons. Certains venaient de régions lointaines
comme la Flandre, trompés par les fausses rumeurs qui

Weitere Kostenlose Bücher