L'archer du Roi
amenait un
cheval.
Mais une paire de flèches anglaises atteignit l’animal qui,
fou de douleur, s’échappa.
— Pars vers le nord ! cria sir William à son
neveu. Vite, Robbie !
Mais Robbie ne l’écouta pas. Il fonça au galop à la
rencontre de son oncle, indifférent aux flèches dont une se ficha dans sa
selle, une autre ricocha sur son heaume. Arrivé à la hauteur de sir William, il
se pencha, l’attrapa par la main et l’entraîna sous les flèches qui les
poursuivaient. Par bonheur, l’épais brouillard qui tournait en volutes autour
d’eux les dissimulait aux yeux des archers.
Sir William lâcha la main de son neveu et continua d’avancer
en trébuchant, gêné par son bouclier constellé de flèches et par sa lourde
cotte de mailles. Sacré bon Dieu, sacré bon Dieu !
— Gardez-vous à gauche ! Gardez-vous à
gauche ! hurla une voix écossaise.
Quelques cavaliers anglais surgissaient de la haie. L’un
d’eux l’aperçut et s’imagina qu’il tenait une proie facile.
Les Anglais n’étaient pas mieux préparés à la bataille que
les Écossais. Si quelques-uns portaient des cottes de mailles, aucun ne
possédait de véritable armure ni de lance. Mais sir William était convaincu
qu’ils avaient détecté sa présence bien avant d’avoir lancé leur première flèche,
et la colère d’avoir été pris dans cette embuscade le poussa à avancer vers le
cavalier qui dirigeait sur lui son épée en la tenant comme un javelot.
Il ne fit aucune tentative pour essayer de parer le coup. Il
se contenta de lancer son lourd bouclier en avant, atteignant le cheval à la
bouche, avant de le frapper aux jambes de toutes ses forces avec son épée.
L’animal hennit de douleur et un brusque écart fit perdre l’équilibre au
cavalier. Celui-ci était encore en train d’essayer de calmer sa monture lorsque
l’épée de sir William alla se planter dans son ventre.
« Salaud ! » rugit-il tout en tournant la lame dans les
entrailles de l’Anglais qui gémissait.
Robbie s’approcha à son tour et abattit son épée dans la nuque
de l’ennemi, qui tomba de sa selle, la tête tranchée.
Les autres cavaliers avaient mystérieusement disparu. Puis,
comme la brume capricieuse commençait à se dissiper, les flèches se remirent à
voler.
Sir William retira son épée du cadavre, rengaina sa lame
humide et se jucha sur la selle de sa victime.
— Partons ! cria-t-il à Robbie qui paraissait
disposé à prendre l’armée anglaise entière à lui seul. Partons, mon
garçon ! Presse-toi !
« Par Dieu, se dit-il, ça me fait mal de m’enfuir
devant l’ennemi, mais il n’y a pas de honte à s’enfuir quand on se bat à deux
cents contre six ou sept cents hommes. Et quand le brouillard se lèvera, nous
pourrons livrer une bonne vraie bataille, ce sera un affrontement mortel au
corps à corps, lame contre lame, et j’apprendrai à ces salauds d’Anglais à se
battre. »
Il éperonna le cheval qu’il venait d’emprunter et s’élança
au galop vers le camp écossais, afin d’aller informer le reste de l’armée de la
présence de ces Anglais. Apercevant un archer tapi dans une haie, en compagnie
d’une femme et d’un prêtre, sir William posa une main sur la poignée de son
épée, songeant à prendre sa revanche pour les flèches qui avaient gâché son
expédition. Mais, derrière lui, les autres Anglais poussaient leur cri de
guerre : « Saint Georges ! Saint Georges ! »
Sir William renonça donc à se venger sur l’archer isolé. Il
se mit en route, abandonnant derrière lui de bons soldats couchés dans l’herbe
humide. Ils étaient morts ou agonisants, blessés et en proie à la terreur. Mais
il était un Douglas. Il reviendrait et il aurait sa revanche.
2
Une horde de cavaliers affolés passa au grand galop devant
la haie où se tapissaient le trio formé par Thomas, Eléonore et le père Hobbe.
Une demi-douzaine de chevaux avaient perdu leur cavalier, d’autres, blessés,
saignaient abondamment, le corps percé de flèches aux plumes blanches maculées
de sang. À la suite des cavaliers avançait une quarantaine d’hommes à pied,
dont certains clopinaient, d’autres se traînaient avec des flèches plantées
dans leur vêture. Quelques-uns portaient des selles. Ils arrivaient à la
hauteur des masures en feu quand une nouvelle grêle de flèches, suivie d’un
martèlement de sabots, hâta encore leur retraite. La panique jeta certains
d’entre
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