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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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sa
possession ?
    Thomas avait remarqué une présence nouvelle de l’autre côté
de la porte, dont le loquet avait été silencieusement relevé. Depuis quelques instants,
la porte était légèrement entrebâillée. Quelqu’un était là, en train d’écouter.
Sans doute était-ce la dame de Roncelet.
    — Jamais il n’a prétendu posséder le Graal,
rectifia-t-il, mais il disait qu’un jour, sa famille l’avait possédé.
    — Qu’un jour, les Vexille l’avaient possédé, précisa le
dominicain d’un ton sec.
    — Oui, répondit Thomas, tout en observant que la porte
avait bougé imperceptiblement.
    La plume de frère Cailloux grattait le parchemin, consignant
par écrit toutes les paroles du captif. Sa vue rappelait à Thomas une scène qui
s’était déroulée à la foire de Dorchester. Un frère prêcheur franciscain
haranguait la foule en criant aux bonnes gens que tous leurs péchés était
couchés dans un grand livre, au Ciel, en leur prédisant qu’après leur trépas,
au moment où ils apparaîtraient devant Dieu pour être jugés, ce livre serait
ouvert pour permettre la lecture de toutes leurs fautes. George Adyn avait
déclenché de gros rires en répondant au prêcheur qu’il n’y avait pas assez
d’encre dans toute la chrétienté pour écrire ce que son frère faisait avec
Dorcas Churchill à Puddletown. Le moine avait répondu avec courroux que les
péchés étaient écrits en lettres de feu, le feu qui ferait rôtir les adultères
dans les profondeurs de l’enfer.
    — Et qui est Hakalya ? demanda Taillebourg.
    Thomas, surpris de la question, hésita. Puis il tenta
d’avoir l’air perplexe.
    — Qui ?
    — Hakalya, répéta patiemment l’inquisiteur.
    — Je ne sais pas.
    — Moi, je crois que si, rétorqua Taillebourg d’une voix
douce.
    Thomas scruta le visage dur, osseux du religieux. Il lui
rappelait le visage de son père. En effet, il exprimait la même détermination
farouche, un égocentrisme forcené qui révélait que cet homme n’avait cure de
l’opinion des autres, car il ne répondait de ses actes que devant Dieu.
    — Frère Germain a mentionné ce nom, répondit prudemment
Thomas, mais ce qu’il signifie, je l’ignore.
    — Je ne te crois pas, insista Taillebourg.
    — Père, affirma le jeune archer d’un ton ferme, je ne
sais pas ce qu’il signifie. J’ai demandé à frère Germain, et il a refusé de me
répondre. Il a dit que c’était une chose que je n’étais pas capable de
comprendre.
    Le dominicain dévisagea son prisonnier en silence. Le feu
grondait dans la cheminée et le gros valet déplaça les tisonniers comme une bûche
s’écroulait.
    — Le prisonnier dit qu’il ne sait pas, dicta
Taillebourg à frère Cailloux sans quitter Thomas des yeux.
    Les valets rajoutèrent des bûches dans le feu et
l’inquisiteur attendit quelques instants avant de reprendre son interrogatoire,
le temps pour sa proie de surveiller les tisonniers d’un œil inquiet.
    — Eh bien, reprit-il, où se trouve le livre à
présent ?
    — À La Roche-Derrien, répondit promptement Thomas.
    — Où, à La Roche-Derrien ?
    — Avec mes bagages, que j’ai laissés chez un vieil ami,
Will Skeat.
    C’était faux. Il avait laissé le livre à la garde de
Jeannette, mais il ne voulait pas exposer cette dernière au danger. Will Skeat,
même avec une mémoire endommagée, était plus capable de se défendre que
l’Oiseau Noir.
    — Sir William Skeat, précisa Thomas.
    — Sir William sait-il ce qu’est ce livre ?
    — Il ne sait même pas lire ! Non, il ne le sait
pas.
    L’interrogatoire se poursuivit longtemps. Taillebourg voulut
tout connaître de la vie de son prisonnier. Il voulut savoir pourquoi il avait
abandonné Oxford, pourquoi il était devenu archer, quand il s’était confessé
pour la dernière fois, ce qu’il faisait à Durham, ce que savait l’évêque de
Durham.
    Les questions se succédèrent des heures durant, au bout
desquelles Thomas défaillit de faim et se retrouva sans forces. Mais
Taillebourg paraissait infatigable. Quand vint le soir et que le jour, à
travers les deux fenêtres, déclina et disparut progressivement, il ne s’en
aperçut pas. Les deux valets avaient commencé depuis longtemps à manifester
leur impatience et frère Cailloux ne cessait de regarder dehors en fronçant les
sourcils, comme pour signifier à son supérieur que l’heure du repas était
largement dépassée, mais le dominicain, qui,

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