L'archer du Roi
meule.
— Que diable me disait-il ? s’enquit Robbie.
— Il essayait de se rendre.
Une voix résonna de l’autre côté, et les deux amis se
dirigèrent d’un même mouvement dans sa direction, cognant leurs épées contre le
méli-mélo de solives, poutres, engrenages et axes de bois. L’homme invisible
les arrêta :
— Tout doux, les gars, tout doux ! Je suis
anglais.
Une flèche vint s’abattre contre le mur extérieur avec un
bruit sourd. Les toiles des ailes tirèrent sur leurs attaches, faisant grincer
et trembler le mécanisme de bois. D’autres flèches se fichèrent dans les
planches.
— Je suis prisonnier, dit l’homme.
— Plus maintenant, répondit Thomas.
— Non, je suppose.
L’homme grimpa par-dessus la meule et ouvrit la porte. Il
était d’un certain âge et ses cheveux étaient gris.
— Que se passe-t-il ? s’enquit-il.
— Nous sommes venus grallocher ces démons, expliqua
Robbie.
— Prions Dieu pour que ce soit vrai.
L’homme lui tendit la main.
— Je suis sir Thomas Dagworth, et je vous remercie tous
deux.
Il dégaina son épée et sortit au clair de lune.
Robbie dévisagea son ami.
— Tu as entendu ?
— Il a dit merci, répondit Thomas.
— Oui-da, mais il a dit qu’il était sir Thomas
Dagworth.
— Alors peut-être est-ce vrai ?
— Mais que diable faisait-il là-dedans ? se
demanda Robbie.
Tout à coup, il se souvint de l’homme qu’il avait tué et, au
prix d’un gros effort et dans un grand cliquetis de métal, il le traîna
jusqu’au seuil éclairé par les flammes. L’homme avait enlevé son heaume et
l’épée de Robbie lui avait fendu le crâne, mais sous la bouillie qui restait,
on voyait briller un éclat doré.
Le jeune Écossais sortit une chaîne cachée sous la plaque du
corselet.
— C’était sans doute un gars important, constata
Robbie, admirant sa trouvaille.
Puis il sourit à Thomas.
— Nous la couperons en deux plus tard, pas vrai ?
— Tu veux la couper en deux ?
— Nous sommes amis, pas vrai ?
Robbie enfouit son butin sous son haubergeon avant de
repousser le cadavre à l’intérieur du bout du pied.
— Elle a de la valeur, cette armure, apprécia-t-il.
Nous reviendrons quand ce sera fini, en espérant qu’il n’y aura pas un bâtard
qui viendra la voler.
Le camp baignait à présent dans l’horreur. Les rescapés de
l’assaut de sir Thomas Dagworth se battaient toujours, particulièrement les
archers du parc aux chariots. La garnison de la ville, de son côté, parcourait
les tentes en relâchant les prisonniers, ou amenait d’autres rescapés
découverts dans les recoins où ils se tapissaient. Les arbalétriers de Charles,
au lieu d’arrêter l’attaque de la garnison, se battaient pour la plupart contre
les archers anglais dans le parc aux chariots. Les Génois se blottissaient
derrière leurs immenses pavois, mais de nouveaux assaillants arrivaient par
l’arrière et ils ne savaient plus où se cacher devant les flèches qui fendaient
la nuit en sifflant. Les arcs de guerre chantaient leur mélodie diabolique, les
flèches volaient à raison de dix pour un carreau d’arbalète, et les
arbalétriers étaient incapables de faire face au massacre. Ils s’enfuirent.
Les archers, victorieux, grossis du nombre de ceux qui
s’étaient réfugiés parmi les chariots, retournèrent aux abris et aux tentes où
se jouait un jeu de cache-cache mortel dans les allées sombres parmi les murs
de toile. Un archer gallois eut alors l’idée de faire sortir l’ennemi des
tentes en y mettant le feu. Bientôt, les flammes et la fumée se répandirent à
travers le campement et les soldats ennemis coururent se jeter sur les flèches
et les lames des incendiaires.
Charles de Blois s’était retiré du moulin à vent, conscient
que sa position sur la colline le mettait en péril. Il tenta de rassembler
quelques chevaliers devant sa somptueuse tente, mais une déferlante de
vaillants combattants de La Roche-Derrien foula aux pieds ces preux chevaliers
et Charles regarda, stupéfait, les bouchers, les tonneliers, les charrons, les
couvreurs, massacrer leurs seigneurs avec des haches, des couperets et des
faucilles. Il se retira hâtivement dans sa tente, mais l’un de ses fidèles le
tira de façon fort peu cérémonieuse vers l’ouverture arrière.
— Par ici, Votre Grâce.
Charles repoussa la main de l’homme.
— Où aller ? demanda-t-il d’une voix plaintive.
— Nous
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