L'archer du Roi
chrétienté.
Le jeune roi se tourna vers l’orme où était posée sa lance
rouge et jaune et contempla langoureusement son arme.
Sir William suivit son regard.
— Les archers, jeta-t-il, laconique.
— Il y avait des archers au Bannockburn, répliqua le
comte de Moray.
— Oui-da, et ces idiots ne savaient pas s’en servir.
Mais on ne peut pas faire confiance aux Anglais pour qu’ils restent
éternellement idiots, rétorqua sir William.
— Combien d’archers ont-ils, selon vous ?
argumenta le comte. On dit qu’il y en a des milliers en France, ainsi que des
centaines en Bretagne et autant en Gascogne. Combien peuvent-ils en avoir ici,
je me le demande ?
— Ils en ont assez, gronda sir William d’un ton cassant
qui trahissait son mépris pour John Randolph, troisième comte de Moray.
Ce dernier était aussi brave au combat que sir William, mais
il avait été trop longtemps prisonnier des Anglais, et la haine qui en
découlait l’empêchait de réfléchir.
Le roi, jeune et inexpérimenté, était tenté de se ranger aux
côtés du comte, son ami. Mais il vit que ses seigneurs partageaient l’avis de
sir William, qui, bien que ne jouissant pas d’un titre prestigieux ni d’un rang
élevé, était plus rompu à l’exercice de la guerre que n’importe qui en Écosse.
Le comte de Moray sentit qu’il ne parviendrait pas à faire
entendre sa voix et pressa le roi.
— Chargez maintenant. Sire, il ne faut pas leur laisser
le temps de former une ligne de bataille.
Avec un geste vers le sud, où les premières troupes
anglaises apparaissaient dans les pâtures, il ajouta :
— Fondez sur ces bâtards avant qu’ils ne soient prêts.
Le duc de Menteith intervint alors et observa d’un ton
calme :
— C’est là le conseil qui fut donné à Philippe de
Valois en Picardie. Il n’a servi à rien là-bas, et il ne servira à rien ici.
— Sans compter que nous avons à affronter des murs de
pierre, fit remarquer sir William, caustique.
Désignant les murets qui limitaient les pâtures où les
Anglais commençaient à former leur ligne, il persifla :
— Peut-être Moray pourra-t-il nous dire comment des
chevaliers en armure feront pour franchir des murs de pierre ?
Le comte de Moray redressa vivement la tête.
— Vous me prenez pour un sot, Douglas ?
— Je vous prends tel que vous vous montrez, John
Randolph, répliqua sir William.
— Messieurs ! les reprit le roi d’un ton sec.
Le roi n’avait pas remarqué les murs de pierre lorsqu’il
avait formé sa ligne de bataille près des maisons en flammes. Les seules choses
qu’il avait vues avaient été les pâtures vertes et vides, la grand-route, et
son rêve de gloire plus grand encore.
Mais à présent, au loin, il voyait les ennemis sortir des
arbres. Il arrivait des archers à foison. On disait que ces tireurs étaient
capables d’obscurcir le ciel avec leurs flèches munies de pointes d’acier qui
s’enfonçaient profondément dans la chair des chevaux, les rendant fous de
douleur. Il ne pouvait se permettre de perdre cette bataille. Il avait promis à
ses nobles qu’ils célébreraient la fête de Noël dans le palais du roi
d’Angleterre à Londres. S’il perdait, il perdrait du même coup leur respect et
encouragerait les rébellions. Il devait vaincre, et rapidement. L’impatience le
gagna.
— Si nous chargeons assez vite, proposa-t-il avec
précaution, avant qu’ils n’aient tous atteint leurs lignes…
— Vous romprez les jambes de votre cheval sur les murs
de pierre, l’interrompit sir William, faisant fi du respect dû à son rang. À supposer
que le cheval de Votre Majesté parvienne jusque-là. On ne peut protéger les
chevaux devant les flèches, Sire, mais on peut affronter la tourmente à pied.
Mettez vos piquiers à l’avant, et mélangez-les avec des hommes d’armes qui
pourront utiliser leurs écus pour les protéger. Il nous faut lever nos
boucliers, baisser la tête et tenir bon, c’est ainsi que nous remporterons la
victoire.
Le roi tira sur la spallière de son armure, qui avait la
fâcheuse habitude de se lever sur l’épaule droite. Il réfléchit.
Traditionnellement, la défense des armées écossaises se
trouvait entre les mains des piquiers qui utilisaient leurs armes,
monstrueusement longues, pour arrêter les chevaliers ennemis. Mais les piquiers
avaient besoin de leurs deux mains pour tenir des lames si peu maniables, et ce
défaut de mobilité en faisait
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