L'archer du Roi
des cibles faciles pour les archers anglais, qui
se vantaient en riant de porter la vie des piquiers écossais dans leurs sacs de
flèches.
Ainsi donc, les piquiers devaient être protégés par les boucliers
des hommes d’armes et l’ennemi gâcherait ses flèches. Ce raisonnement
paraissait judicieux… Mais David Bruce rêvait de mener l’assaut avec ses
cavaliers qui s’élanceraient dans un grondement de tonnerre, accompagnés par la
musique des trompettes résonnant jusqu’aux cieux…
Sir William, remarquant les hésitations de son roi,
poursuivit fiévreusement son argumentation :
— Nous devons être à pied, Sire, et nous devons
attendre, et nous devons laisser nos boucliers prendre les flèches, mais, à la
fin, Sire, ils se lasseront de gâcher leurs traits et ils en viendront à
l’attaque, et c’est là que nous les massacrerons comme des chiens.
Un murmure d’approbation accueillit ces paroles. Les
seigneurs écossais, des hommes rompus à la bataille, armés et cuirassés, barbus
et farouches, avaient foi en la victoire parce qu’ils étaient bien supérieurs
en nombre. Mais ils n’en savaient pas moins que cette victoire ne leur serait
pas offerte sur un plateau avec des archers en face d’eux, et qu’ils n’avaient
d’autre choix que de suivre l’avis de sir William : subir les flèches,
provoquer l’ennemi, puis l’abattre.
Le roi entendit ses seigneurs approuver sir William. Aussi
abandonna-t-il à regret son rêve d’enfoncer les lignes ennemies avec des
chevaliers montés sur de fiers destriers. C’était une déception pour lui, mais,
embrassant ses seigneurs du regard, il se dit qu’avec de tels combattants à ses
côtés, il lui était impossible de perdre.
— Nous allons nous battre à pied, décréta-t-il, et nous
allons les massacrer comme des chiens. Nous allons les abattre comme des
poulets !
« Et après, se dit-il in petto , quand les
survivants s’enfuiront vers le sud, la cavalerie écossaise pourra achever la
besogne. »
Mais dans un premier temps, la bataille se déroulerait pied
à pied.
Les bannières écossaises furent donc apportées et plantées
tout le long de la crête. Il ne restait des maisons brûlées que des braises au
milieu desquelles on distinguait trois cadavres calcinés, noirs et réduits à la
taille du corps d’un enfant. Le roi planta ses oriflammes près de ces morts.
Son étendard, un sautoir rouge sur champ jaune, et la bannière du saint patron
de l’Écosse, un sautoir blanc sur champ bleu, se dressaient au centre des
lignes. À gauche et à droite flottaient les oriflammes des seigneurs de moindre
rang.
Le lion de Steward brandissait sa lame, le faucon de
Randolph étendait ses ailes, tandis que, à l’est et à l’ouest, les étoiles, les
haches et les croix claquaient au vent. L’armée était déployée en trois
divisions, tellement nombreuses que les hommes des flancs extérieurs devaient
jouer des coudes pour se trouver une place sur le sol plus plat du sommet.
Les dernières rangées des unités étaient constituées par les
hommes des tribus des îles et du nord. Ces hommes se battaient jambes nues,
sans cuirasse, en brandissant d’immenses épées dont on pouvait se servir à la
fois comme d’une masse et comme d’une lame. C’étaient des combattants terribles
qui semaient l’effroi autour d’eux, mais leur défaut de protection les rendait
extrêmement vulnérables aux flèches ; aussi étaient-ils placés à
l’arrière. Les rangs de tête des trois unités étaient composés d’hommes d’armes
et de piquiers.
Les hommes d’armes portaient des épées, des haches, des
masses d’armes et, surtout, les boucliers destinés à protéger les piquiers dont
les armes étaient surmontées d’une pique, d’un crochet et d’une lame de hache.
La pique maintenait l’ennemi à distance, le crochet permettait de tirer un
homme en armure pour le jeter à bas de sa selle ou de lui faire un croc-en-jambe,
et la hache, de fendre sa cotte de mailles ou son armure.
Les rangs étaient hérissés de ces piques. C’était une
véritable haie de métal qui attendait les Anglais, le long de laquelle se
promenaient des prêtres consacrant à tour de bras armes et guerriers à genoux
pour recevoir la bénédiction.
Quelques seigneurs, tel le roi, étaient juchés sur leur
destrier, mais uniquement pour pouvoir scruter l’horizon par-dessus les têtes.
Ils virent arriver les dernières troupes anglaises.
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