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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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vêtu d’une robe de grosse
toile. Il était accompagné d’une jeune femme pâle et frêle. Celle-ci paraissait
inquiète, mais le religieux salua gaiement Taillebourg :
    — Bien le bonjour à vous, mon père.
    — Et à vous-même, mon père, répondit poliment le
dominicain.
    Son valet, qui avait quitté sa cachette, se plaça derrière
les étrangers de façon à les empêcher de sortir sans la permission de son
maître.
    — J’entends frère Collimore en confession, expliqua ce
dernier.
    — J’espère que c’est une bonne confession, répondit le
père Hobbe en souriant. Vous ne paraissez pas être anglais, mon père ?
    — Je suis français.
    — Comme moi, intervint Eléonore dans sa langue, et nous
sommes venus parler à frère Collimore.
    — Lui parler ? répéta Taillebourg d’un ton
affable.
    — C’est l’évêque qui nous envoie, expliqua Eléonore,
très fière, et le roi aussi.
    — Quel roi, mon enfant ?
    — Edouard d’Angleterre ! fanfaronna la jeune femme.
    Le père Hobbe, qui ne parlait pas français, regardait
alternativement Eléonore et le dominicain.
    — Pourquoi Edouard vous enverrait-il ? s’étonna le
dominicain.
    Voyant l’expression décontenancée de la jeune femme, il
répéta sa question :
    — Pourquoi Edouard vous enverrait-il ?
    — Je ne sais pas, mon père.
    — Je pense que vous le savez, mon enfant.
    Il se leva. Le père Hobbe, sentant le danger, prit Eléonore
par le poignet et tenta de l’entraîner hors de la pièce. Mais Taillebourg fit
un signe de tête à son valet. Le jeune prêtre était encore en train d’essayer
de comprendre pourquoi il se méfiait du dominicain quand le couteau s’insinua
entre ses côtes. Il émit un son étouffé, puis toussa, puis sa respiration se
transforma en râle et il s’affaissa lentement sur les dalles de pierre.
    Eléonore voulut s’enfuir, mais elle n’était pas de taille à
lutter. Taillebourg, l’attrapant par le poignet, la ramena brutalement en
arrière. Elle hurla. Le dominicain lui imposa le silence en abattant une main
dure devant sa bouche.
    — Que se passe-t-il ? s’inquiéta frère Collimore.
    — Nous accomplissons l’œuvre de Dieu, répondit
Taillebourg d’un ton apaisant. L’œuvre de Dieu.
    Au même moment, sur la crête, les flèches se mirent à voler.
     
    Thomas avançait avec les archers du corps de bataille de
gauche. Ils n’avaient pas progressé de plus de vingt-cinq pas lorsque, arrivés
derrière un fossé, un talus et quelques buissons d’épines noires fraîchement
plantés, ils furent forcés de prendre à droite, arrêtés par une grande tranchée
tapissée de fougères jaunies. À l’extrémité de la tranchée s’élevait un muret
de pierre recouvert de lichen. Alors que Thomas le franchissait, son sac de
flèches se prit dans le chaperon du mur et se déchira. Une seule flèche en
tomba, mais ce fut pour échouer dans un cercle de champignons magiques, et il
se demanda si c’était un bon ou un mauvais présage. Mais le vacarme des
Écossais l’empêcha de se pencher plus avant sur la question. Tous les joueurs
de tambour s’étaient mis en action, tapant sur les peaux tendues avec une telle
frénésie que l’air paraissait vibrer. Il ramassa sa flèche et pressa le pas, de
même que les centaines d’archers anglais qui avançaient à travers les champs au
pas de course.
    Le jeune archer vit que les hommes d’armes écossais avaient
levé leurs boucliers pour assurer la protection des piquiers. Un arbalétrier
était en train d’ajuster le mécanisme qui tendait la corde. L’homme leva
anxieusement les yeux vers les archers anglais qui avançaient, puis écarta les
poignées du mécanisme et posa un carreau de métal dans son logement. Les
insultes pleuvaient, mais les seuls mots que Thomas eut le temps d’entendre
distinctement furent « Si vous haïssez les Anglais… » avant qu’un
trait d’arbalète ne vînt siffler à ses oreilles, ce qui lui fit passer l’envie
de se distraire avec les huées écossaises.
    Les Écossais n’avaient que peu d’arbalètes, mais la portée
de ces armes dépassait celle des grands arcs des Anglais, qui couraient à
toutes jambes afin d’atteindre la bonne distance de tir. Un trait vint patiner
dans l’herbe devant Thomas. Ce n’était pas un carreau d’arbalète, mais une
flèche tirée par l’un des rares archers écossais, ce qui lui signala qu’il
était bientôt arrivé à bonne distance.

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