L'archer du Roi
L’animal
s’écroula en provoquant la panique des guerriers alentour, qui s’enfuirent pour
éviter les coups de sabot. Tous ces hommes s’exposèrent en soulevant
imprudemment leurs boucliers dans leur course folle, ce qui leur valut d’être
fauchés par une pluie de flèches. Quelques instants plus tard, une meute d’une
douzaine de chiens de chasse au poil long, crottés et jappant, jaillit des
rangs et fut cueillie incontinent par la grêle de traits.
— Est-ce toujours aussi facile ? s’enquit un tout
jeune homme, dont c’était à l’évidence la première bataille.
— Oui, quand l’autre camp n’a pas d’archers et tant
qu’il nous reste des flèches, c’est facile, répondit l’un de ses aînés. Mais
après, c’est diablement dur.
Thomas arma son arc et décocha un trait derrière un
bouclier, droit dans la face d’un guerrier barbu.
Le roi d’Écosse était toujours sur son cheval, mais protégé
à présent par quatre écus criblés de flèches. Thomas se remémora les chevaux
français labourant le sol pour remonter la pente, en Picardie, des flèches
empennées de blanc sortant de leur encolure, de leurs jambes et de leur ventre.
Il fouilla dans son sac de flèches déchiré, trouva un autre projectile et visa
le destrier du roi.
À présent, l’ennemi s’agitait en tous sens. Soit il battrait
en retraite devant la grêle de flèches, soit, pris de rage, il donnerait
l’assaut à la petite armée anglaise. À en juger par les hurlements poussés par
les hommes réfugiés derrière leurs écus hérissés de flèches, Thomas s’attendait
plutôt à une attaque.
Il avait raison. Il eut le temps de décocher un dernier
trait, puis un grondement terrifiant s’éleva et toute la ligne écossaise, apparemment
sans avoir reçu aucun ordre, chargea. Ce fut une marée hurlante d’hommes fous
de rage qui déferla, déclenchant la fuite éperdue des archers anglais. Car même
s’ils avaient tiré toutes les flèches en leur possession, ils se seraient
trouvés en grand danger d’être submergés. C’est pourquoi ils coururent se
réfugier sous la protection de leurs hommes d’armes.
Thomas trébucha en escaladant le mur, mais il se rétablit et
continua à courir. Il s’aperçut alors que certains de ses compagnons s’étaient
arrêtés pour tirer sur leurs poursuivants. Le mur de pierre retenait les
Écossais. Il fit donc demi-tour et eut le temps de décocher deux flèches à deux
hommes sans défense avant l’arrivée de l’ennemi, qui parvint à franchir la
barrière. Il reprit sa course vers une petite ouverture dans les lignes
anglaises, là où s’agitait la relique de saint Cuthbert, mais l’espace était
obstrué par les archers tentant de franchir les lignes. Thomas prit alors à
droite en se dirigeant vers le terrain découvert qui s’étendait entre le flanc
de l’armée et le versant raide de la crête.
— Préparez-vous ! cria aux hommes d’armes anglais
un guerrier grisonnant à la visière remontée. Gare à l’assaut !
Les guerriers de la ligne anglaise, formée seulement sur
quatre ou cinq rangs, s’apprêtèrent à faire face au violent assaut, en appui
sur la jambe droite et l’écu en avant.
— Saint Georges ! Saint Georges !
Préparez-vous ! Gare à l’assaut !
Thomas, qui avait rejoint le flanc, se retourna et vit que
les Écossais, dans leur assaut précipité, avaient étiré leur ligne. Ils avaient
chargé en serrant les rangs, mais en courant, ils s’étaient écartés les uns des
autres, ce qui signifiait que leur division la plus à l’ouest avait été poussée
au bas de la pente, dans la profonde tranchée qui jouxtait traîtreusement le
champ de bataille. Les soldats gisaient au fond du fossé, les yeux tournés vers
le ciel, condamnés.
— Archers ! hurla Thomas, se croyant de retour en
France, lorsqu’il était responsable d’une troupe appartenant à Will Skeat.
Archers ! Allez-y, tuez-les !
Ses compagnons vinrent le rejoindre sur le bord du fossé,
poussant des cris de triomphe et armant leurs arcs.
C’était l’heure de la tuerie, l’heure des archers. L’aile
droite des Écossais était tombée dans le piège de la tranchée et les archers
qui les surplombaient ne pouvaient les manquer. Deux moines apportèrent des
gerbes de flèches, chaque gerbe contenant vingt-deux traits régulièrement
séparés par deux disques de cuir qui maintenaient les flèches à part en évitant
ainsi aux plumes
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