L'archer du Roi
d’être écrasées. Les moines coupèrent les liens qui
maintenaient les projectiles et les répandirent sur le sol, aux pieds des
archers. Ceux-ci commencèrent à tirer méthodiquement, décochant leurs flèches
et tuant sans relâche.
Thomas entendit le bruit assourdissant du choc de la
rencontre des hommes d’armes au centre du champ de bataille, mais là, sur la
gauche des Anglais, les Écossais ne devaient jamais rencontrer les boucliers
ennemis, car ils étaient tombés dans le fossé tapissé de fougères jaunies du
royaume des morts.
Thomas avait passé son enfance à Hookton, un village de la
côte sud de l’Angleterre, où un ruisseau descendant vers la mer avait creusé un
profond canal dans la plage de galets. Le canal formait une boucle, laissant
une pointe de terre qui protégeait les barques de pêche et, une fois par an,
lorsque les rats pullulaient trop dans les cales des bateaux, les pêcheurs
échouaient leurs embarcations au fond du ruisseau, emplissaient leurs cales de
cailloux et laissaient la marée envahir les coques et leur dégoûtante
cargaison. C’était un jour de fête pour les enfants du village qui, debout au
sommet de la pointe, s’entassaient pour jouir du spectacle de la fuite éperdue
des rats et jetaient des pierres aux animaux en applaudissant et en poussant
des cris de joie. La panique des rats ne faisait qu’augmenter le plaisir des
enfants, encouragés par les rires et les applaudissements des adultes tout
autour.
La même scène était en train de se dérouler. Les Écossais
étaient au fond du trou, les archers étaient au sommet de la colline et ils
distribuaient la mort. Les flèches descendaient tout droit et atteignaient leur
cible en s’enfonçant dans les chairs avec un bruit de couperet. Les Écossais se
cabraient, le corps agité de soubresauts, trépassaient, et, dans le trou, les
fougères jaunies par l’automne se teintaient de rouge. Certains tentaient de
remonter la pente, mais cela en faisait des cibles encore plus faciles à
atteindre. D’autres essayaient de s’échapper à l’autre bout, mais ils étaient arrêtés,
frappés dans le dos. D’autres encore parvinrent à s’enfuir en dévalant la
colline, mais sir Thomas Rokeby, shérif du Yorkshire et commandant du flanc
gauche anglais, les aperçut et ordonna à deux groupes d’hommes de sauter sur
leur monture et de parcourir la vallée. Les cavaliers achevèrent l’œuvre
sanglante des archers à coups d’épée et de masse d’arme à tête cloutée.
La base de la tranchée n’était plus formée que d’un amas
sanglant de morts et de blessés agités de soubresauts. Un homme en armure, au
chef recouvert d’un heaume à plumet, tenta de s’extraire de l’enfer, mais deux
flèches vinrent ricocher sur le métal de sa cuirasse et une troisième
s’introduisit dans une fente de sa visière. L’homme retomba en arrière, avec
son écu hérissé de traits.
Les flèches se firent plus rares, car il n’y avait plus
beaucoup d’Écossais à tuer. Les premiers archers descendirent alors dans le
trou, le couteau à la main, afin de se livrer au pillage sur les morts et
d’achever les blessés.
— Alors, qui hait les Anglais ? ricanaient-ils.
Allez, répondez, crapules ! Qui hait les Anglais ?
C’est alors qu’un cri s’éleva du centre :
— Archers ! Sur la droite ! Sur la
droite !
La voix trahissait une panique sans bornes.
— Sur la droite ! Pour l’amour de Dieu, sur la
droite !
Les hommes d’armes de la gauche étaient peu engagés dans le
combat car les archers étaient occupés à massacrer les Écossais dans le fossé.
Le centre tenait bon car les hommes de l’archevêque étaient disposés derrière
un muret de pierre qui, bien que ne s’élevant qu’à hauteur de poitrine,
représentait une excellente barrière contre l’assaut de l’ennemi. Les
assaillants pouvaient frapper d’estoc et de taille par-dessus le chaperon du
mur, et ils pouvaient essayer de le franchir, ils pouvaient même essayer de le
démolir pierre par pierre, mais ils ne pouvaient le renverser, et donc, ils
étaient retenus. Les Anglais, quoique beaucoup moins nombreux, résistaient,
malgré les lourdes piques pointées sur eux. Quelques chevaliers anglais
demandèrent leurs chevaux et, une fois montés et armés de lances, vinrent à la
rescousse de leurs camarades assaillis. D’autres hommes d’armes, se baissant
sous les piques, armes peu maniables, tailladèrent
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