L'archer du Roi
Monseigneur ?
— Si le diable se bat contre vous, jeune homme, je veux
venir à votre aide et peu de choses en ce bas monde sont plus efficaces que
l’or. Vous avez une quête à mener à bien, vous avez des voyages à entreprendre
et il vous faudra pouvoir payer tout cela. Alors, pouvez-vous le faire ?
— Non, Monseigneur, répondit Thomas.
— Dans ce cas, permettez-moi de vous aider, dit lord
Outhwaite en déposant un sac de pièces d’or sur le tas de pierres. Et vous
allez bien emmener un compagnon dans votre entreprise ?
— Un compagnon ? répéta Thomas, de plus en plus
perplexe.
— Pas moi ! Pas moi ! Je suis bien trop
vieux ! gloussa le brave lord. Non, mais j’avoue que j’aime beaucoup
Willie Douglas. Le prêtre qui, je le crois, a tué votre femme, a aussi tué le
neveu de Douglas, et Douglas crie vengeance. Il demande, non, il supplie que le
frère du défunt soit autorisé à voyager avec vous.
— Il est prisonnier également, je présume ?
— Oui, je le crains, mais le jeune Robbie n’a aucune
valeur marchande. Je suppose qu’il me rapportera quelques livres, mais rien de
comparable à la fortune que je compte extorquer à son oncle. Non, je préfère
que Robbie voyage avec vous. Il veut retrouver le prêtre et son valet, et je
crois qu’il vous sera utile.
Lord Outhwaite se tut. Devant le silence de Thomas, il
insista :
— C’est un bon jeune homme, Robbie. Je le connais, il
me plaît, et il est capable. C’est un bon soldat aussi, m’a-t-on dit.
Thomas haussa les épaules. Après tout, la moitié de l’Écosse
pouvait bien voyager avec lui, il n’en avait cure.
— Il peut venir avec moi, Monseigneur, à condition que
j’aie la permission, dit-il.
— Que voulez-vous dire ? La permission ?
— Je n’ai pas la permission de voyager, expliqua le
jeune archer d’un ton amer. Le prieur m’a défendu de quitter la ville et il a
pris mon cheval.
Thomas avait retrouvé son cheval, amené à Durham par le père
Hobbe, attaché à la porte du monastère.
Lord Outhwaite éclata de rire.
— Et vous allez obéir au prieur ?
— Je ne peux me permettre de perdre un bon cheval,
Monseigneur.
— Des chevaux, j’en ai, répliqua lord Outhwaite,
balayant l’objection, y compris deux bons chevaux écossais que j’ai pris
aujourd’hui. Demain, à l’aube, les messagers de l’archevêque vont chevaucher
vers le sud pour annoncer la bonne nouvelle de cette journée à Londres et trois
de mes hommes les accompagneront. Je propose que vous vous joigniez à eux avec
Robbie. Cela vous permettra d’arriver sains et saufs à Londres. Et
ensuite ? Où irez-vous ensuite ?
— Je vais rentrer chez moi, Monseigneur, à Hookton, le
village où vivait mon père.
— Ce prêtre meurtrier s’attend-il à vous voir partir
là-bas ?
— Je ne sais pas.
— Il va se lancer à votre recherche. Il a sans nul
doute envisagé de vous attendre ici, mais c’était trop dangereux. Mais il veut
savoir ce que vous savez, Thomas, et il va vous tourmenter pour arriver à ses
fins. De même que sir Geoffrey. Ce damné Épouvantail ferait n’importe quoi pour
l’or, mais je soupçonne le prêtre d’être plus dangereux encore.
— Donc, il me faut garder les yeux ouverts, et mes
flèches aiguisées ?
— Je serais plus astucieux, conseilla le vieux lord.
J’ai toujours pensé que lorsqu’on était traqué par quelqu’un, mieux valait
choisir soi-même l’endroit où on vous retrouvera. Ne prêtez pas le flanc à
l’embuscade, au contraire, soyez prêt vous-même à le prendre au piège.
Thomas reconnut la sagesse du conseil, mais cela ne
l’empêcha pas de nourrir quelques doutes.
— Et comment sauront-ils où je vais ?
objecta-t-il.
— C’est moi qui le leur dirai, répondit lord Outhwaite,
ou plutôt, lorsque le prieur se plaindra que vous lui ayez faussé compagnie, je
l’en informerai, et ses moines le répéteront à qui voudra l’entendre. Les
moines sont des créatures très bavardes. Dites-moi, où voudriez-vous rencontrer
vos ennemis, jeune homme ? Chez vous ?
— Non, Monseigneur, répondit hâtivement Thomas.
Puis il réfléchit quelques instants et proposa :
— À La Roche-Derrien.
— En Bretagne ? s’étonna le bon lord. Ce que vous
cherchez se trouve en Bretagne ?
— Je ne sais où cela se trouve, Monseigneur, mais j’ai
des amis en Bretagne.
— Ah ! Fort bien. Je souhaite que vous voyiez en
moi aussi
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