L'archipel des hérétiques
participé au complot. Reste par ailleurs à expliquer pourquoi le
soulèvement ne s'est pas produit peu de temps après que le Batavia eut
quitté Le Cap, alors que le navire se trouvait encore à portée d'abris sûrs,
tels que Madagascar ou l'île Maurice. On peut aussi s'étonner de ce que le
capitaine ne se soit pas débarrassé de Pelsaert durant le trajet en chaloupe
vers Java, après le naufrage. Pour un exposé plus détaillé, voir les chapitres
6 et 9. L'hypothèse de la culpabilité de Jacobsz, pour laquelle je penche,
repose sur les déclarations de mutins dont l'identité ne nous est pas parvenue,
recueillies au cours des interrogatoires auxquels les soumit le commandeur. Jan Hendricxsz, Allert Janssen, et Cornelisz lui-même accusèrent Jacobsz
d'avoir participé à la conspiration des mutins, et les rumeurs de sa complicité
parvinrent aux oreilles du pasteur, comme à celles du commandeur. Hormis
Pelsaert et Cornelisz, aucun de ces hommes n'avait intérêt à compromettre le
capitaine, et leurs récits sont d'une concordance troublante. En l'absence des
transcriptions des interrogatoires de Jacobsz à Batavia, qui semblent avoir été
perdues, la question risque de rester indéfiniment en suspens. Interrogatoire
de Jan Hendricxsz, Journal de Pelsaert, 19 septembre 1629 [DB 178] ; verdict
concernant Allert Janssen, Journal de Pelsaert, 28 septembre 1629 [DB 198] ;
Specx aux Dix-sept Messieurs, 15 décembre 1629, ARA VOC 1009, cité par
Drake-Brockman, Voyage to Disaster, pp. 62-63.
3. «Bien qu'il fut courant pour les capitaines d 'indiaman
d'avoir quelque peine à supporter... » : Comme le fit remarquer Jan Coen, le
plus célèbre des gouverneurs des Indes, parlant des capitaines de la VOC, « Les
mois passent, disent-ils, [et] alors que nous sommes les seigneurs et maîtres
en mer, nous ne sommes plus que des laquais dès que nous accostons aux Indes...
voyons si nous ne pouvons pas nous faire payer grassement nos services... »
Cité par C.R. Boxer, « The Dutch East-Indiamen : their sailors, their
naviga-tors and life on board, 1602-1795 », The Mariner's Mirror 49
(1963), p. 90.
4. « dans son journal... » : « Exposé
succinct... », Journal de Pelsaert, nd [DB 249-51].
5. Les raisons qu 'avait Jeronimus Cornelisz de ne
pas retourner aux Pays-Bas : Nous ignorons quel était l'état des relations
entre Cornelisz et sa femme, Belijtgen Jacobsdr. Les suites de la mort d'un
nourrisson sont naturellement traumatisantes pour tous les parents. Outre leurs
sentiments de culpabilité et leur désespoir, Cornelisz et sa femme durent aussi
se renvoyer certains reproches, concernant le choix de leur nourrice ou leur
situation financière catastrophique. Après le départ de son mari, Belijtgen se
retrouva dans le plus grand dénuement, et dut déménager dans un quartier
nettement moins cossu de Haarlem (voir chapitre 10). On peut raisonnablement
supposer que le couple s'était séparé en mauvais termes.
6. Les conditions de la mutinerie : Jaap
Bruijn & E.S. Van Eyck Van Heslinga (eds), Muiterij, Oproer en Berechting
op de Schepen van de VOC (Haarlem : De Boer Maritiem, 1980), pp. 7-8,
21-22, 26. Pour une étude similaire sur les indiaman espagnols, voir
Pablo Pérez-Mallaina, Spain 's Men of the Sea : Daily Life on the Indies
Fleets in the Sixteenth Century (Baltimore : The Johns Hopkins University
Press, 1998), pp. 211-212. Au cours de ses deux siècles d'activité, la VOC
enregistra non moins de quarante-quatre mutineries, dont la première éclata à
bord du Middelburg en 1611. La mutinerie du Batavia fut de loin
la plus sanglante. La révolte qui s'en approche le plus fut celle du fVestfriesland, en 1652. Elle fut dirigée par Jacob Arentsen, maître
timonier, qui, en raison de certaines erreurs de navigation qu'on lui
reprochait, avait vu sa promotion lui échapper à la mort du capitaine. Arentsen
rassembla soixante hommes de son entourage, et complota avec pour objectif de
tuer les autres officiers et de s'enfuir en Italie. Des détails du complot
parvinrent aux oreilles des officiers loyalistes : le maître timonier fut fusillé,
et quatre de ses comparses furent jetés pardessus bord. Comme dans le cas du Batavia, la présence de femmes sur le bâtiment passait pour avoir
partiellement provoqué ces troubles. Au xvm* siècle, une partie de l'équipage
du Windhond réussit à s'emparer du navire, pour se reconvertir dans la
piraterie. Ibid., pp. 22, 31-34.
7. La mutinerie du
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