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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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ordinaire. Même avec
leurs trois coques, les india-man survivaient rarement à plus de cinq ou
six aller-retour en Orient. Après dix ou vingt ans de bons et loyaux services
rendus à ces Dix-sept Messieurs, ils étaient renvoyés au Zuyder Zee et démontés
pour fournir du bois de construction. On jugera de la formidable rentabilité du
commerce des épices : lorsqu'un indiaman était ainsi débité en planches
et en poutres, le coût de sa construction avait été plusieurs fois amorti par
les bénéfices réalisés sur ses cargaisons.
    Un retourschip neuf de la taille du Batavia pouvait charger environ six cents tonnes de fournitures, de provisions et de
marchandises. Au bout d'un an ou deux de service, la coque était saturée d'eau
de mer et sa capacité diminuait de 20 %. Mais les cales d'un indiaman n'étaient pleines que sur le chemin du retour. Le navire était alors si chargé
d'épices que les sabords des canons n'étaient plus qu'à soixante centimètres de
l'eau.
    Il n'y avait pratiquement pas de demande pour les
marchandises occidentales aux Indes 47 et, bien qu'à leur départ des
Pays-Bas les navires de commerce aient embarqué des caisses de livres de
psaumes, de grenades à main, de marmites et de cercles de tonneaux destinés aux
garnisons hollandaises cantonnées en Orient, la seule cargaison de quelque
importance qu'on emportât vers Java était constituée de pierres et de matériaux
de construction, pour les factoreries que la Compagnie faisait bâtir en Orient.
Chaque année, les autorités hollandaises des Indes passaient commande de
briques en quantités toujours plus importantes, qui tenaient lieu de ballast à
l'aller.
    De temps à autre, les commandes annuelles du gouverneur
général des Indes incluaient des objets plus inattendus. Ce fut le cas pour le Batavia. Dès l'automne 1628, des ouvriers ruisselants de sueur s'activaient
dans les sentines mal aérées du navire pour y entreposer cent trente-sept
énormes blocs de grès, pesant au total trente-sept tonnes et composant un
magnifique portail de plus de huit mètres, destiné à la forteresse de Batavia
elle-même 48 .
    Heureusement pour les dix-sept directeurs, il existait une
denrée que les producteurs d'épices désiraient ardemment acquérir, en échange
de leurs clous de girofle et de leurs noix muscades.
    Les populations indigènes n'avaient que faire des tissus
de lin hollandais ou du gros drap anglais, qui étaient à l'époque les
principaux produits d'exportation de l'Europe du Nord. Mais elles avaient une
soif insatiable de métaux précieux, et raffolaient en particulier des pièces
d'argent, qui tenaient couramment lieu de monnaie d'échange en Orient. Les retourschepen mettaient donc le cap vers l'est chargés non pas de produits d'exportation,
mais de toute une cargaison d'objets d'argenterie et de pièces d'argent.
    Des sommes colossales (jusqu'à deux cent cinquante mille
florins par bateau, soit l'équivalent de vingt millions de dollars actuels)
étaient ainsi entre-posées dans les cales de Y indiaman, dans de grands
coffres de bois. Chaque coffre de cinq cents livres contenait huit mille
pièces, soit environ vingt mille florins 49 . Ces coffres étaient un
vrai supplice de Tantale. Les risques de vol étaient tels qu'on les chargeait
séparément du reste de la cargaison. Ils n'étaient embarqués qu'une heure ou
deux avant l'appareillage, et arrivaient à bord sous l'œil vigilant d'au moins
l'un des Dix-sept - lequel exigeait en échange un reçu dûment signé de la main
du capitaine et du subrécargue. Les coffres étaient alors placés, non pas dans
la cale avec les marchandises ordinaires, mais à la proue, dans la Grande
Cabine, à laquelle n'accédaient que les plus hauts gradés de l'équipe
commerciale, et ils étaient tenus sous haute surveillance pendant tout le
trajet jusqu'à Java.
    A la fin de l'an 1626, le contrat de trois ans qui liait
Francisco Pelsaert à la VOC arrivait presque à expiration. Étant l'un des
meilleurs experts de la Compagnie pour les Indes, et fort du succès qu'il avait
remporté lors de sa mission d'Agra, le subrécargue aurait pu s'attendre à se
voir proposer un nouveau contrat, agrémenté d'une généreuse augmentation de son
salaire. Mais, à cette date, Pelsaert ne voyait rien venir et, lorsqu'il
demanda à son supérieur de voir ce qu'il en était, la VOC fit preuve d'une
réticence inattendue à résoudre le problème 50 .
    Le principal écueil était apparemment

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