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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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mois 41 - ce qui était
vertigineusement bref. Mais, même avec des délais de fabrication aussi
draconiens, les bâtiments qui sortaient des Peperwerf bénéficiaient d'une
conception spécialement soignée qui leur assurait une nette supériorité sur les
navires anglais ou portugais. Du temps de Jeronimus, les indiaman hollandais étaient les machines les plus sophistiquées qui fussent jamais
sorties des mains humaines 42 . Leur conception les rendait plus
faciles à charger, plus économiques à l'usage et capables de transporter des
cargaisons plus importantes que celles de leurs rivaux étrangers.
    On distinguait plusieurs catégories de navires, selon les
tâches auxquelles ils étaient destinés. Les indiaman tels que le Batavia 43 , qu'on appelait aussi des retourschepen («
navire-retour »), étaient les plus coûteux. Ils étaient spécialement étudiés
pour le transport des passagers et des marchandises. Leur construction leur
permettait de supporter de longs mois de mer sur la route des Indes. Par ordre
d'im-portance décroissante, venaient ensuite le fluyt, un bateau plus
économique, à fond plat et à proue arrondie, offrant une grande proportion
d'espace de stockage aisément accessible - puis le jacht 44 , une barque légère et maniable, avec une capacité maximum de cinquante tonnes.
    Ces navires étaient construits selon la méthode
hollandaise, une technique révolutionnaire qui exigeait que le revêtement
extérieur du bateau fut assemblé et cloué avant la pose de sa charpente
interne. Cette phase de la construction achevée, Y indiaman semi-fini
pouvait déjà flotter. On le remorquait alors vers une « cage » de bois, située
à quarante ou cinquante mètres de là, dans le petit golfe de riJ où l'on
finissait de l'assembler. Les cales sèches des Peperwerf pouvaient donc
aussitôt accueillir un autre bâtiment en construction. C'est ainsi que les
chantiers de la VOC purent produire non moins de deux mille cinq cents navires
de commerce, au cours du seul xvn e siècle.
    Le Batavia n'était pas le moindre de ces vaisseaux.
Il comptait parmi les plus grands et les plus beaux de son temps. Il portait le
nom de la ville javanaise de Batavia, qui faisait figure de capitale de toutes
les colonies hollandaises des Indes. Sa capacité était de mille deux cents
tonnes et il mesurait quarante-neuf mètres de la poupe à la proue, ce qui était
la longueur maximale autorisée par les règlements de la Compagnie. Il
comportait quatre ponts successifs, trois mâts et une trentaine de canons 45 .
Son architecte, l'illustre Jan Rijksen qui était toujours en activité, à l'âge
inouï de soixante-six ans, l'avait pourvu non seulement d'une robuste double
coque 6 ,
mais aussi d'un revêtement de pin ou de sapin. Cette technique présentait l'avantage
de protéger la coque des insectes et des vers, qui préfèrent venir se loger
dans du bois tendre, plutôt que d'attaquer le chêne sous-jacent. Et, pour plus
de sûreté, la couche externe était fixée par d'énormes clous de fer et enduite
d'une mixture toxique de résine, de soufre, d'huile et de chaux.
    Enfin, le revêtement lui-même était protégé le long de la
ligne de flottaison par les peaux de plusieurs centaines de bêtes sommairement
dépecées, que l'on clouait sur le pin. Tant que le Batavia non chargé
flottait haut sur les eaux de l'IJ, ces peaux conféraient à la partie basse de
sa coque l'allure d'un étrange patchwork mangé aux mites. On les laissait
pourrir sur la coque jusqu'à ce qu'elles s'en détachent d'elles-mêmes, au cours
du voyage inaugural du bâtiment.
    Elles ne masquaient heureusement pas les riches moulures
brillamment colorées, peintes en vert et rehaussées de rouge et d'or, qui
ornaient le Batavia, ni sa proue magnifiquement ouvragée - un
raffinement quelque peu ostentatoire, que les dix-sept directeurs de la VOC,
d'ordinaire si regardants, s'autorisaient pour éblouir les peuplades
orientales. Mais ce sens du détail avait son prix. Pour la seule construction
du Batavia, sans ses gréements, ni ses équipements, la Compagnie dut
débourser près de cent mille florins - une fortune, pour l'époque.
    Cette dépense était amplement justifiée, car la
    VOC exploitait ses navires 46 jusqu'à ce qu'ils
tombent littéralement en miettes. Les chocs et les épreuves de toutes sortes
auxquels le Batavia devrait résister au cours d'un seul voyage vers les
Indes seraient venus à bout de n'importe quel bâtiment

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