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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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elles
l'envoyaient cascader dans l'entrepont des canons, où elle se frayait un chemin
autour des paillasses des marins endormis, jusqu'aux trappes et aux sabords qui
restaient ouverts. Lorsque le temps se calmait, les matelots récuraient les
ponts avec du vinaigre et brûlaient de l'encens et du charbon de bois dans
l'entrepont, dans l'espoir d'assainir l'atmosphère. Mais, pendant le plus clair
de voyage, il régnait dans les entreponts
    * En 1970, lorsqu'ils retrouvèrent la poupe du Batavia, les archéologues découvrirent d'importantes quantités d'une matière noirâtre,
riche en phosphate, qui tapissait la coque. Après analyse, on y décela la
présence de substances cartilagineuses et d'enveloppes de céréales, suggérant
que cette masse noire était, de fait, une couche de matières fécales humaines,
qui s'était déposée dans ce qui avait dû être les sentines.
    du Batavia une puanteur digne d'une fosse
d'aisances 36 . Les privilégiés qui voyageaient à la poupe avaient la
chance d'échapper au pire, mais tous les témoins s'accordent à souligner que,
pendant les premières semaines du voyage, tous les passagers, y compris les
plus distingués, devaient supporter une somme de désagréments qu'ils étaient
loin d'imaginer, en quittant le port.
    Enfin, le convoi laissa derrière lui la zone des intempéries
et mit le cap vers le sud. Le vent se fit plus clément. Les navires avaient
pénétré les latitudes subtropicales au large des côtes d'Afrique du Nord et, en
dépit de quelques distractions ponctuelles - leur première rencontre avec les
dauphins, qui venaient souvent jouer autour des bâtiments, ou la découverte à
la surface de l'eau des algues annonçant la proximité des Canaries et des îles
du Cap-Vert -, le voyage s'embourba très vite dans une ennuyeuse routine 37 .
Quand le vent tombait, les matelots n'avaient plus grand-chose à faire et, pour
tous les autres, soldats, marchands et passagers, les jours se suivaient en se
ressemblant, dénués de la moindre occasion de se distraire.
    Dans ces conditions, les menus devenaient un sujet d'une
lancinante importance pour tous les occupants du Batavia , dont les
journées étaient rythmées par les trois repas qu'on leur servait - à 8 heures
du matin, à midi et à 18 heures 38 . C'étaient parfois de véritables
festins. Pelsaert et Jacobsz mangeaient dans la Grande Cabine, généralement en
compagnie de leur état-major, et des plus distingués de leurs passagers.
    Jeronimus Cornelisz et Lucretia Jans dînaient à la table
du commandeur , avec Gijsbert Bastiaensz et son épouse. Claas Gerritsz,
le premier maître timonier, devait lui aussi figurer parmi les convives, tout
comme ses seconds, Jacob Jansz Hollert et Gillis Fransz, affublé du fâcheux
sobriquet de « Dort-debout ». Puis, par ordre de préséance décroissante,
venaient Pieter Jansz, le prévôt, et sans doute certains des commis de moindre
grade : les jeunes assistants de la VOC tels que Salomon Deschamps, le
secrétaire préféré de Pelsaert, originaire d'Amsterdam, qui avait déjà fait la
route des Indes avec lui. Mais, même pour ces hôtes triés sur le volet, une
invitation à la table de Pelsaert restait un privilège qu'on ne pouvait
considérer comme acquis une fois pour toutes. Il y avait une autre salle à
manger, où les passagers de la poupe pouvaient se trouver relégués de temps à
autre. C'est là que dînaient les enfants du pasteur, ainsi que le commun des
marchands et des officiers. Là, comme dans la cabine de Pelsaert, les tables
étaient garnies de nappes et de serviettes. On y mangeait dans des assiettes
d'étain, avec des cuillers en fer-blanc. Le service était assuré par des garçons
de cabine et le maître d'hôtel servait les vins. Quant aux hommes d'équipage et
aux soldats, ils prenaient leurs repas près de leur paillasse, assis sur leur
coffre, et mangeaient avec des assiettes et des cuillers en bois. A l'avant du
grand mât, personne n'assurait le service. Les hommes se regroupaient par
équipes de sept ou huit, dont un membre allait chercher la nourriture à la
coquerie dans un seau, et se chargeait ensuite de rincer les assiettes. La
corvée de vaisselle était soumise à une rotation hebdomadaire. Le maître coq et
ses cuistots surveil-laient la distribution de la nourriture, veillaient au bon
déroulement du repas, et mangeaient les derniers.
    La qualité des menus variait considérablement. Les
officiers mangeaient généralement

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