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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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par les archives du voyage, ne pouvait qu'ajouter à cette
fascination et Cornelisz ne dut pas être le dernier à la remarquer. Lorsque le Batavia arriva en vue des côtes d'Afrique, il semble que non seulement le
capitaine, mais Pelsaert lui-même - qui était, comme Jacobsz, grand amateur de
dames -avaient tous deux jeté leur dévolu sur la jeune femme.
    Vers la fin décembre, le Batavia franchit la limite
sud du pot au noir, zone de brumes et d'orages située à 25° nord et
particulièrement redoutée des navigateurs. Le navire devait alors être à court
de vivres et surtout d'eau potable, puisque Pelsaert décida de jeter l'ancre en
Sierra Leone, en flagrante violation des règlements de la VOC qui, depuis 1616,
définissaient le cap de Bonne-Espérance comme la seule escale autorisée sur la
route de Java 45 . En s'arrêtant dans un port de la Sierra Leone,
Pelsaert s'exposait aux réprimandes de ses employeurs, et même à une amende.
D'autant plus qu'à cette époque, déjà, la Sierra Leone était un tel nid de
malaria et de fièvre jaune, que les épidémies qui dévastaient le pays lui
avaient valu le surnom mérité de « Tombe de l'Homme Blanc ». Y faire escale
n'avait donc rien d'anodin et n'allait pas sans risques. Bien qu'une telle
escale n'eût rien d'exceptionnel pour les navires de la VOC, les capitaines ne
se résolvaient à jeter l'ancre le long des côtes africaines qu'en dernier
recours.
    Les premiers Occidentaux à avoir débarqué en Sierra Leone
furent les Portugais qui, dès le XV e siècle, établirent des
relations commerciales avec les tribus locales 46 . Les peuplades
établies le long de la côte faisaient partie du clan Temne, qui contrôlait le
commerce avec l'intérieur des terres. Les indigènes vivaient de la pêche et
complétaient leur alimentation en cultivant le riz, le millet et le yam. A
l'occasion, ils troquaient des denrées alimentaires contre des sabres, des
ustensiles de cuisine et d'autres objets métalliques. Vers 1628, les Portugais
commencèrent à leur acheter des esclaves.
    Le commandeur, lui, ne songeait qu'à reconstituer
les réserves de son navire mais, à la surprise générale, le Batavia vit
son équipage s'augmenter d'un membre. Comme ils accostaient pour aller acheter
des vivres, les hommes de Pelsaert distinguèrent un visage occidental dans la
foule qui les attendait, massée sur le rivage. C'était un garçon de quinze ans,
originaire d'Amsterdam, un dénommé Abraham Gerritsz 47 , qui avait
déserté d'un autre indiaman hollandais, le Leyden, dans les premiers
jours d'octobre, et n'attendait qu'une occasion pour reprendre le large. Ayant
dû transférer plusieurs hommes de son propre équipage vers d'autres navires de
la flottille au début du voyage, Pelsaert accepta d'embarquer le garçon et de
l'emmener aux Indes, en échange du travail qu'il ferait à bord.
    Puis la flotte quitta la Sierra Leone et mit le cap au
sud, en direction de l'équateur. Dans cette zone, les vents redevenaient
inconstants et les capitaines avaient ordre de ne pas s'écarter d'une étroite
bande, orientée nord-est sud-ouest, et allant des îles du Cap-Vert à
l'équateur. Les Hollandais l'avaient surnommée la wagenspoor - la «
piste de la charrette » - et elle figurait sur toutes les cartes de la VOC,
définissant clairement les limites de la voie maritime la plus sûre. Tout
vaisseau s'aventurant à l'est de cette « piste » s'exposait à rester encalminé
dans le golfe de Guinée, et se risquer davantage vers l'ouest, c'était moisir
indéfiniment au large du Brésil, faute de vent.
    Ariaen Jacobsz maintint donc le convoi dans les limites de
cette voie, malgré les imprévisibles zones de calme plat qu'ils durent
traverser aux abords de l'équateur. Il y avait à peine un souffle de vent et
l'air était si torride qu'il était impossible de fermer l'œil dans les
entreponts. La nuit, l'équipage venait chercher un peu de fraîcheur sur le pont
principal. Les bois du navire se voilaient sous l'effet de la chaleur et le
soleil faisait fondre le goudron qui colmatait les interstices des planches de
la coque, piégeant les animaux qui avaient l'imprudence de s'y poser. La cire
des chandelles fondait spontanément et se solidifiait, à la nuit tombée,
composant d'étranges sculptures. Les hommes ne portaient plus que des pagnes,
lorsque leur travail les forçait à descendre dans les niveaux inférieurs. Les
passagers, qui affrontaient pour la première fois des

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