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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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essuyé, et la
servante à cause des humiliations, réelles ou imaginaires, qu'elle reprochait à
sa maîtresse de lui infliger - mais aussi grâce à leur mutuelle lubricité. La
passion d'Ariaen pour la servante lui avait complètement « embrasé les sens »,
tandis que, comme le confia à Jeronimus l'épouse du cuisinier du bord, alors
que le Batavia approchait du Cap, Zwaantie était « une vraie traînée »,
et ne refusait aucune faveur à son amant. Et si l'intendant adjoint avait tenu
à s'assurer par lui-même de la véracité de ces allégations, la preuve ne tarda
pas à lui sauter au nez : un jour qu'il ouvrait la porte des latrines des
officiers, il eut la surprise d'y découvrir le couple dans le feu de l'action,
en dépit de l'exiguïté et de l'inconfort des lieux.
    Le Batavia et les autres navires de la flottille
approchaient donc du cap de Bonne-Espérance 54 , conformément aux
indications du Reygeschrift de Huygen Van Linschoten. Le premier signe
de la proximité des côtes fut l'apparition des « fous du Cap », ces oiseaux
blancs dont les ailes se terminent par une touche de noir et que les Hollandais
surnommaient « manches de velours ». Ils venaient tournoyer en piaillant autour
des navires, alors que les côtes n'étaient pas encore en vue. Un jour ou deux
plus tard, ce furent des amas de roseaux à tige évasée, qu'ils virent flotter
sur l'eau, puis des os de seiche. Tout cela indiquait clairement que le Batavia se trouvait désormais à moins de cinquante kilomètres des côtes.
    Ils jetèrent l'ancre le 14 avril 1629, devant la Montagne
de la Table, après un peu moins de six mois de mer. Le Cap n'avait rien de
commun avec la côte de la Sierra Leone. C'était une contrée hospitalière,
verdoyante, grouillant de vie sauvage. Depuis sa découverte, en 1488, par
Bartolomeu Diaz, la Taverne de l'Océan était devenue un véritable refuge pour
tous les bâtiments européens faisant route vers l'Orient. Anglais, Hollandais,
Français, Portugais, Danois - tous venaient se réapprovisionner auprès des
Hottentots qui élevaient du bétail dans F arrière-pays 55 .
    Les navires à destination de la côte est de l'Inde ne
venaient que rarement mouiller au Cap, mais les hommes du Batavia , du Sardam, du Dordrecht , de YAssendelft et du Buren mirent les chaloupes à la mer pour transporter les malades et les victimes du
scorbut jusqu'au rivage. Là, ils dressèrent des tentes de toile au bord de la
plage, tandis que d'autres allaient chasser les otaries et les pingouins, ou
ramasser des moules sur le rivage, en attendant l'arrivée des Hottentots.
    Pelsaert se chargea des négociations pour l'achat des
vivres. La population locale avait l'habitude d'approvisionner les visiteurs
européens et un système d'échange profitable aux deux parties s'était peu à peu
établi. Les Hottentots vendaient leurs bœufs et leurs moutons, en échange
desquels les marins leur donnaient des anneaux de fer et des plaques de cuivre,
dont ils faisaient ensuite des lances ou des bijoux. Les taux d'échange étaient
ridiculement avantageux pour les Hollandais. Ils payaient, par exemple, un
bracelet de cuivre pour un mouton, ou dans un autre cas « un couteau tordu, une
pelle, un petit piton de fer avec un autre couteau et quelques rebuts de métal
qui n'auraient pas valu plus de quatre florins en Hollande », pour trois bœufs
et cinq moutons. Mais au Cap, le métal était rare et donc précieux, et les
Hottentots semblaient se satisfaire du système.
    La plus totale incompréhension régnait entre les deux
parties. Pour les Hollandais, les indigènes étaient des primitifs d'une laideur
repoussante. On relève dans les journaux de bord d'innombrables commentaires
méprisants et désobligeants sur leur quasi-nudité et les relents de la graisse
rance dont ils s'enduisaient le corps pour résister au froid. Pour les
Africains du Cap, les Hollandais étaient des brutes avides et âpres au gain.
Dans les premières années du xvii e siècle, cette méfiance réciproque
se solda par de nombreuses morts dans les deux camps.
    Le principal problème de Pelsaert était d'établir la
communication. Les Européens ne comprenaient pas un traître mot du langage des
Bochimans qui communiquaient au moyen de claquements de langue. « Lorsqu'ils
parlent, on croirait avoir affaire à une bande de dindes en colère. On n'y
entend que sifflements et claquements », nous rapporte un marchand, déconcerté.
    Lorsque les Hottentots se

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