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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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puis on attachait à ses
poignets une longue corde. On lui fixait des poids de plomb aux pieds et on le
précipitait à la mer, du bout de la vergue. Après une chute de vingt-cinq ou
trente mètres, il était brutalement rappelé par la corde et le choc lui
déboîtait les épaules, en lui broyant les poignets et les bras. Le malheureux était
alors hissé et précipité à nouveau - le tout à trois reprises. Après quoi, on
lui administrait le fouet.
    Le keel hauling, une trouvaille des Hollandais,
était considéré comme une punition encore plus cruelle. Les mains du prisonnier
étaient liées au-dessus de sa tête, et ses jambes ligotées. On lui donnait une
éponge à mordre, et on faisait passer sous la quille du navire en mouvement une
longue corde qu'on attachait aux poignets du condamné. On le halait ensuite
sous la coque, sur toute la longueur du bâtiment. Dans les premiers temps, ce
châtiment se soldait, dans la quasi-totalité des cas, par la mort du condamné.
Il était soit déchiqueté par les coquillages qui tapissaient la carène, soit
décapité en heurtant la coque de plein fouet. Mais le problème ne résista pas
longtemps à l'ingéniosité des Hollandais. Bientôt, tous les bâtiments de la VOC
furent équipés d'un harnais spécial, fait de cuir et lesté de plomb, dans
lequel on pouvait immobiliser la victime. Ce harnais était en outre muni d'un
drapeau fixé au bout d'une longue perche, qui permettait d'ajuster la longueur
de la corde pour s'assurer que le condamné était descendu à la profondeur
adéquate et qu'il serait bien halé sous la quille, et non précipité contre la
coque. En principe, ce supplice était lui aussi administré par trois fois, mais
en un temps où seulement une personne sur sept savait nager, cette épreuve
était si terrifiante qu'on la menait rarement à son terme, de peur de noyer le
condamné.
    Les hommes de troupe et les matelots assez désespérés pour
s'exposer à de tels châtiments n'hésitaient généralement pas à exécuter les
officiers qui les leur auraient infligés, et les hommes que Cornelisz et
Jacobsz recrutèrent pour leur complot ne devaient pas être des enfants de
chœur. Mais, fait révélateur, la bande des conjurés incluait aussi une poignée
de gradés, ainsi que des soldats et des marins expérimentés, choisis pour leur
capacité de manœuvrer efficacement le Batavia.
    L'affaire était des plus délicates. Dans les entreponts,
les rumeurs se répandaient comme des traînées de poudre, et la moindre allusion
qui serait parvenue aux oreilles du subrécargue aurait pu entraîner leur perte.
Mais, sur un bâtiment dont l'équipage avait été recruté parmi la fine fleur de
la racaille d'Amsterdam, rien n'était impossible. Le capitaine et l'intendant
adjoint connaissaient déjà plusieurs hommes qui se laisseraient tenter par
l'appât du gain et que leur haine de la VOC aiguillonnerait. Le premier que
Jacobsz mit dans le secret semble avoir été le second maître, qui était son
cousin et en qui il avait apparemment toute confiance 10 . Mais la
recrue la plus intéressante pour le complot fut, indiscutablement, le maître
d'équipage lui-même.
    Jan Evertsz n , premier maître d'équipage du Batavia et officier de plus haut grade après Jacobsz, ainsi que les trois
timoniers, étaient originaires de Mon-nickendam 8 ,
un petit port de pêche situé au nord d'Amsterdam, dont les marins avaient la
réputation d'être particulièrement brutaux.
    Evertsz n'avait sans doute pas encore trente ans et son
rôle consistait à transmettre les directives du capitaine, avec lequel il était
donc en étroite relation. Comme tous les maîtres d'équipage, Evertsz devait
tenir le quart quand le navire était en mer et briguait sans doute lui-même un
futur poste de capitaine 12 .
    « Tout comme le maître de bord doit se tenir à l'arrière
du mât, explique une autorité de l'époque, le maître d'équipage et tous les
hommes doivent rester à l'avant. 11 doit veiller à la juste tension des voiles
et des cordages, tenir prêts les lignes et les plombs de haute mer, pour sonder
les fonds. Pendant les combats, il doit veiller à hisser les flammes et le
pavillon, et appeler chaque homme à son poste. Pour conclure, sa tâche, comme
celle de son second, n'est jamais achevée, et la liste de toutes les fonctions
qui leur incombent serait impossible à dresser 13 . »
    La diversité de ses tâches exigeait donc du maître
d'équipage qu'il fut un

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