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L'archipel des hérétiques

L'archipel des hérétiques

Titel: L'archipel des hérétiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mike Dash
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à bout de forces. Ses jambes ne le portaient
plus. Il devait trouver d'urgence de quoi se nourrir et un abri pour se
reposer.
    Les rescapés de l'île accoururent à sa rencontre sur la
plage et le traînèrent tant bien que mal jusqu'au campement 19 , où il
eut la bonne surprise d'être traité avec les plus grands égards. Frans Jansz et
ses conseillers vinrent l'accueillir. On lui apporta de la nourriture et des
vêtements secs. Après quoi, lorsqu'il fut rassasié, on lui prêta un lit
improvisé, où il put dormir tout son soûl.
    Il fut réveillé par des bruits de voix. Le campement,
établi sur le quart nord-est de l'île, avait atteint une taille considérable et
grouillait d'activité. Les premières tentes, construites à partir d'espars et
de morceaux de voiles, se dressaient sur le sol de corail. Divisés en petits
comités, les rescapés se partageaient les tâches - chasser les oiseaux de mer,
disposer des pièces de toile pour y recueillir l'eau de pluie, rassembler le
bois échoué sur le rivage, pour alimenter les feux.
    La destruction finale du Batavia avait décuplé
cette manne. Leur île se trouvait sur le passage des vents qui soufflaient sur
le site du naufrage ; les pièces de bois, les barils et les débris de toute
sorte venaient s'y échouer en grand nombre. Au cours des quelques jours qui
suivirent, ils récupérèrent ainsi deux mille litres d'eau et deux mille cinq
cents litres de vin français et espagnol 20 , ainsi que du vinaigre et
diverses denrées. Les barils étaient rapportés de la plage et rassemblés sous
bonne garde dans le magasin du campement 21 . Les espars et les pièces
de bois étaient récupérés par les charpentiers qui se préparaient à les
transformer en chaloupes et en radeaux.
    Toutes ces ressources supplémentaires étaient les
bienvenues, mais, au premier regard qu'il glissa dans la tente où étaient
entreposées les provisions, l'opinion de Jeronimus fut faite : le Cimetière du Batavia ne pourrait subvenir très longtemps aux besoins de la foule des
rescapés. L'arrivée des derniers survivants qui avaient échappé à la
destruction de l'épave portait la population de l'île à deux cent huit hommes,
femmes et enfants 22 . Même en divisant de moitié les rations, il leur
faudrait chaque mois près de trois tonnes de viande et cinq mille litres d'eau
potable 23 . A ce train-là, leurs maigres réserves ne tiendraient pas
plus de quelques jours. D'ailleurs, les ressources naturelles du banc de corail
étaient autant dire épuisées 24 . Durant leur première semaine sur
l'île, les rescapés avaient tué les oiseaux par centaines et les colonies
d'otaries qui jusque-là pullulaient sur le rivage avaient déjà pratiquement
disparu. Les averses, toujours très sporadiques, ne garantiraient pas un
approvisionnement assuré et, tant que la construction des barques ne serait pas
achevée, ils n'avaient aucun moyen de quitter l'île. Leur situation demeurait des
plus précaires.
    C'est pour cette raison, avant toute autre, que l'arrivée
de Cornelisz fut accueillie avec joie. On était à la mi-juin, à présent, et les
survivants du Batavia étaient sans nouvelles de Francisco Pelsaert
depuis plus d'une semaine. Pendant quelques jours, Frans Jansz et ses
conseillers avaient espéré que le commandeur reviendrait avec des barils
d'eau, mais la vérité commençait à s'imposer : Pelsaert avait quitté les
Abrolhos et n'y reviendrait probablement jamais. En l'absence du commandeur, son adjoint Cornelisz devenait le leader naturel de la colonie et, en toute
logique, le chirurgien s'en remit à lui 25 .
    Dans les jours qui suivirent, Jeronimus Cornelisz fut élu
au conseil 26 . En sa qualité d'officier de plus haut grade de la VOC,
ce siège lui revenait de plein droit. Ses connaissances, son aisance et sa
vivacité d'esprit lui assuraient un tel ascendant sur les autres conseillers
que tous se rangèrent spontanément sous son autorité - dans les premiers temps
du moins. Les rares traces écrites que nous avons gardées de cette époque
semblent concorder sur ce point : l'intendant adjoint s'imposa rapidement à la
tête du groupe.
    On comprend qu'il ait accepté très volontiers cette
nouvelle position d'autorité, et qu'il y ait pris plaisir. Sur le Batavia ,
il ne détenait aucun véritable pouvoir, mais sur l'île, les rescapés
l'écoutaient. Ses ordres étaient diligemment appliqués. Il jouissait de
certains privilèges - une tente pour lui seul,

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