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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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ton mulet, nous vous rejoindrons. Il ne sera pas difficile de suivre vos empreintes dans la neige. »
    Xéno accepta, quoique à contrecœur. « Ne commets pas d’imprudences, fais attention ! » dit-il en me saluant d’un geste de la main. Il poussa son cheval le long de la colonne pour prendre la tête de ses éclaireurs.
    Il continuait de neiger et les bruits de l’armée en marche s’atténuaient de plus en plus. Le domestique était inquiet et troublé. « Partons, ne cessait-il de répéter. Nous ne pouvons pas attendre. Si nous nous retardons trop, nous serons perdus.
    — Encore quelques instants, encore quelques instants, le petit va naître », répondais-je, de moins en moins convaincue. Lystra était si fatiguée qu’elle ne parvenait pas à pousser. J’essayais de l’aider en appuyant sur son ventre, je criais : « Pousse ! Donne le jour à ton fils, petite traînée, accouche de ce fils de mille pères ! » Plus le temps passait, plus je me sentais impuissante et angoissée. La pensée d’échouer dans ma lutte contre le temps m’oppressait.
    Je hurlais, j’implorais en pleurant et sanglotant : « Pousse, mets au monde ce bâtard, allez, malheur à toi, pousse ! » Et encore : « Xéno, Xénoooo ! » comme s’il pouvait m’entendre ou m’aider.
    Lystra était pâle, glacée et couverte de sueur. Des cernes noirs et profonds soulignaient ses yeux. Son souffle n’était plus qu’un sifflement douloureux.
    Elle posa sur moi un regard plein de mélancolie et d’effroi et dit d’un filet de voix : « Je n’y arrive pas. Pardonne-moi, je n’y arrive pas.
    — Mais si ! Pousse, malédiction ! J’aperçois ses cheveux, donne-lui le jour, mets-le au monde ! »
    Les joues sillonnées de larmes, elle me fixa un moment encore, puis elle renversa la tête et se figea, les yeux ouverts sur la neige que le ciel déversait, impassible.
    Je la saisis par les épaules. « Ne meurs pas, ne meurs pas, réveille-toi, allez, courage, je t’emmène, je t’emmène ! » Je ne savais pas ce que je disais, je prononçais des mots privés de sens tout en secouant ce corps inerte dont les bras pendaient comme ceux d’une poupée désarticulée. En pleurs, je m’effondrai sur elle.
    Quand je me ressaisis, je jetai un regard circulaire et m’aperçus avec horreur que j’étais seule. Combien de temps s’était écoulé ? Où était le domestique ? De quel côté l’armée était-elle partie ? La neige tombait, le silence environnant engloutissait le moindre bruit, y compris celui de ma respiration qui produisait de petits nuages de vapeur.
    J’essayai de me lever, en vain : j’étais prisonnière de la neige, enveloppée dans une brume dense et presque impénétrable. Soudain, j’eus l’impression de distinguer des ombres qui venaient dans ma direction.
    Je criai de toutes mes forces jusqu’à ce que je n’eusse plus de souffle. Il fallait que je me mette en marche, que je retrouve les empreintes des soldats. Mais le sol était uniforme, et j’étais seule près d’un cadavre raidi et enseveli sous la neige.
    J’allais donc mourir moi aussi.
    Bientôt.
    Je suivrais Lystra et son enfant dans la tombe.
    Je ne reverrais plus Xéno.
    Ni le village poussiéreux de Beth Qadà. Ni le puits… mes amies… ma mère. Rien…
    Je plongeai dans un sommeil lourd, trouble… et agréable. Je me rappelle que je fis un rêve. Alors que je m’enfonçais dans l’oubli, je vis une silhouette marcher vers moi. Cette silhouette se changea en une figure fantastique. Un cavalier blanc monté sur un cheval blanc, le visage dissimulé par un pan de la cape qui tombait de ses épaules.
    Il sauta à terre, aussi léger qu’un flocon de neige, et s’approcha.
    « Qui es-tu ? » demandai-je alors qu’il se penchait vers moi et me prenait dans ses bras. Puis cette image se fondit avec le tourbillonnement de la neige, s’évanouit dans la torpeur dont les rêves et les visions ne parviennent pas à émerger.
    Je pensai… la mort.
    Xéno.
    Le visage qui m’apparaissait à la lumière du soir était le sien.
    « Où sommes-nous ? parvins-je à murmurer.
    — Au campement. Tu es en sécurité. »
    Aussitôt, je songeai à Lystra et mes yeux s’embuèrent.
    « Lystra est morte.
    — C’est ce que j’ai pensé. Je suis désolé.
    — Comment as-tu réussi à me retrouver ?
    — Ce sont les sentinelles qui t’ont aperçue sous un sapin tout près d’ici, presque morte de

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