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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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discours auxquels je n’ai jamais ajouté foi. Elle en cherchait une confirmation ici. Si ce qu’elle a tracé sur le sol de ma tente correspond à la vérité, je dois admettre qu’elle avait raison.
    — Qu’est-ce que tu racontes ? Tu délires ! »
    Xéno énuméra les trop nombreuses coïncidences que je lui avais signalées, ce qui me remplit de fierté, en dépit de ma situation.
    Il ajouta : « Une chose me trouble plus que tout, le signe qui représente un fleuve dont Abira a réussi à retracer le nom. C’est la preuve qu’elle cherchait. Tu savais très bien que nous ne suivions pas le cours du Phase, comme je le croyais, mais celui d’un autre fleuve, l’Araxe, semble-t-il d’après les lettres qu’elle a reproduites. Oui, l’Araxe, qui ne se jette pas dans le Pont-Euxin, mais ailleurs. Où ? Personne ne le sait avec exactitude, mais certainement pas dans le Pont-Euxin.
    — Tu es fou ! Tu racontes n’importe quoi !
    — Vraiment ? Dans ce cas, pourquoi ne me montres-tu pas la carte qui a inspiré ce dessin à Abira ? Tu as appuyé mon projet de toute ton autorité, bien conscient qu’il ne s’agissait pas du Phase. Et pourquoi, général ? Parce que cette armée doit disparaître, s’évanouir dans le néant sans laisser la moindre trace, voilà pourquoi ! Tu n’as même pas eu besoin de t’exposer, il te suffisait de rejeter sur moi la responsabilité de cette décision. “Xénophon a raison, il a compris, il suffira de suivre le cours de ce fleuve et nous atteindrons la mer !” N’était-ce pas ce que tu disais ?
    » Cette pauvre fille que tu as surprise en train de fouiller tes affaires a tout compris, car ce n’est pas un soldat habitué à obéir avant tout, à exécuter les ordres sans s’interroger sur leur bien-fondé.
    » L’armée devait vaincre ou être anéantie car sa simple survie aurait été la preuve d’une trahison, la preuve que Sparte avait appuyé la tentative d’assassiner son plus grand allié, celui qui lui a permis de remporter la guerre contre Athènes : le Grand Roi ! »
    J’aurais donné n’importe quoi pour voir la tête de Sophos et étreindre Xéno. Je tremblais de froid, mais je n’aurais quitté ma cachette pour rien au monde.
    Sa voix retentit une nouvelle fois. « Voilà pourquoi nous avons tous été enrôlés discrètement, dans des lieux isolés et par petits groupes. Non pour que l’expédition demeurât secrète, chose qui était impossible avec une armée de cent dix mille hommes, mais pour qu’on n’apprît jamais l’engagement du gouvernement Spartiate dans une entreprise qui visait à abattre le Grand Roi et à l’assassiner. Que vous avait promis Cyrus ? Que vous avait promis la reine mère ? »
    Le silence s’abattit à nouveau sur la tente. Un silence plus éloquent que mille mots. Puis la voix de Sophos retentit. Elle était plus coupante que le vent qui me cinglait le visage et me pénétrait les os : « Tu me places dans une situation très difficile, Xénophon, et j’imagine que tu t’en rends compte. Admettons un instant que tu aies raison. Qu’attends-tu que je fasse ?
    — J’imagine que tu me tueras et que tu tueras aussi Abira, répondit calmement Xéno, comme si ces propos ne le concernaient pas. Ce second crime serait inutile, au reste : personne ne l’écouterait et elle n’aurait aucun intérêt à risquer sa vie. Elle est bouleversée. Elle ne constitue pas un danger pour toi.
    — Tu te trompes. Elle est une menace, tout comme Mélissa, à laquelle elle s’est confiée, et peut-être même Cléanor dont la santé physique et mentale dépendent en partie de sa compagne… »
    Je pouvais imaginer son air moqueur. Sophos aimait faire de l’esprit, y compris dans les situations les plus dramatiques.
    S’ensuivirent des bruits auxquels je compris qu’il s’était assis et qu’il avait invité Xéno à l’imiter. Peut-être avait-il besoin de confort pour s’exprimer. Xéno le devança toutefois : « Je suis désarmé, tu peux me tuer maintenant, je n’opposerai pas de résistance… mais épargne la fille. Abandonne-la dans le premier village que tu rencontreras. Elle ne trouvera jamais le chemin du retour, et quand bien même elle le trouverait, elle échouerait dans son village poussiéreux où elle serait ensevelie par l’oubli. Je t’en prie, général, au nom de notre amitié et des épreuves que nous avons partagées. Elle m’obéira. Je lui ordonnerai de se

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