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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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regard trahit une inquiétude subite.
    — Oui, mais je ne suis qu’une pauvre fille et je ne peux soutenir la force de ta personne et de ton regard. Je parlerai à Xéno et je lui dirai la vérité. S’il le juge bon, il te la rapportera ensuite. »
    Sophos garda le silence, interdit.
    « Relâche Mélissa et cette pauvre fille. Elles ne savent rien. Je leur ai demandé de m’aider et elles l’ont fait. Xéno te parlera quand je lui aurai tout expliqué.
    — Je peux te faire torturer, lança-t-il, glacial.
    — Je n’en doute pas, mais je ne pourrais rien te dire que tu ne saches. »
    Je soulignai cette phrase d’un regard appuyé, et il comprit sans doute ce que je voulais dire.
    Il jeta à Cléanor : « Emmène ces deux femmes. Vous aussi, ajouta-t-il à l’adresse des deux guerriers, vous pouvez partir. Je n’ai plus besoin de vous. » Puis, tandis que le général s’exécutait :
    « Comment as-tu pu, Xénophon ? Comment as-tu pu violer ma tente ? Tu n’as même pas eu le courage d’agir toi-même. Tu as envoyé cette fille, qui s’est fait aider par les autres. Jamais on n’a vu des femmes garder un secret plus d’une heure !
    — Je n’ai rien à voir dans cette histoire. C’est la vérité. Tu sais très bien que je ne mens jamais et que je suis un homme d’honneur. Regarde-moi droit dans les yeux. Y vois-tu de la honte ou de la peur ? Qui, de nous deux, est le plus troublé en cet instant ? Qui est le plus inquiet ? »
    Xéno avait marqué un point. Sophos poussa un long soupir et son regard sembla se perdre dans le tourbillon des flocons de neige.
    « Tu veux savoir ce que je cherchais ? Eh bien, voilà ! » dis-je à Xéno dès que nous eûmes regagné sa tente. Je tenais à le devancer afin de prévenir sa colère.
    Je m’agenouillai aussitôt, arrachai une tige en osier à la natte et traçai sur le sol la série de formes triangulaires, la ligne tortueuse, le second signe interrompu par de petits traits verticaux, puis, sur la ligne tortueuse, les quatre signes de la langue des Grecs, ARAX, de façon si nette que la stupeur se peignit sur le visage de Xéno.
    « Qu’est-ce que c’est ? interrogea-t-il.
    — Des signes que j’ai vus sur un parchemin, dans le coffre de Sophos. D’après moi, ils représentent les lieux où nous nous trouvons. Voici les montagnes, voici la direction de notre marche et les étapes. Et là, le fleuve. Sophos sait exactement où nous allons. »
    Xéno observait mon dessin avec une stupeur et une incrédulité croissantes.
    « Es-tu certaine d’avoir reproduit fidèlement ce que tu as vu ?
    — Sûre et certaine. Je savais qu’il me faudrait te le montrer et je l’ai mémorisé dans les moindres détails. Une seule chose m’échappe : ce que signifient ces traits. » Et je lui indiquai les quatre caractères grecs.
    Xéno baissa la tête, bouleversé. « Ils signifient que tu avais raison, que Sophos nous dupe, ou peut-être pis encore…
    — Pourquoi ?
    — Ces signes prouvent qu’il connaît le nom du fleuve dont nous suivons le cours. Et que ce nom n’est pas le Phase, ainsi que je le croyais, mais l’Araxe.
    — Quelle différence cela fait-il ?
    — Le Phase conduit au Pont-Euxin, une mer constellée de cités grecques. En revanche, personne ne sait où mène l’Araxe, probablement à la mer Caspienne, une mer inconnue, située aux confins du monde.
    — Que vas-tu faire ?
    — L’affronter.
    — Quand ?
    — Maintenant.
    — Non, je t’en prie. Prends du temps pour réfléchir. »
    C’était inutile : Xéno retournait déjà à la tente isolée de Sophos.
    J’attendis, oppressée par l’angoisse, aussi inquiète que lorsqu’il se battait contre de féroces guerriers ou affrontait la mêlée sur le champ de bataille. Puis je lui emboîtai le pas et me cachai sous le ventre des mulets qui étaient attachés à un arbuste, derrière la tente. Sophos parlait :
    « Quiconque m’eût accusé d’une telle infamie n’aurait pas eu le temps de le regretter, mais tu es un ami, tu as risqué ta vie plusieurs fois pour l’armée bien que tu n’en fasses pas partie, et je dois en tenir compte. Cesse de me provoquer, ou…
    — Ou quoi ? Voudrais-tu me faire croire que tu n’as rien à cacher ? Écoute-moi bien : Abira, la fille que tu as surprise ici, a agi de son propre chef. Si cela te paraît impossible, cela ne me surprend pas. Elle me tenait depuis un certain temps d’étranges

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