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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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revenu. De nombreux soldats avaient entassé leurs armes sur des chariots et cheminaient d’un pas rapide sans leur fardeau habituel. Un groupe d’éclaireurs avançait en tête de la colonne, trois ou quatre hommes le flanquaient et deux autres fermaient la marche. Pendant plusieurs heures, ils longèrent la mer, une mer bleu vif qui se brisait sur les galets en larges bandes d’écume. Les hommes marchaient dans l’eau, certains péchèrent des poissons à l’aide de leur lance, tant les flots en regorgeaient. Des moqueries et des cris retentissaient, évoquant davantage une promenade qu’une expédition militaire.
    Cyrus gardait le silence, apparemment satisfait de ce spectacle.
    Xéno remarqua que Sophos, le guerrier venu du néant, chevauchait seul en queue de colonne. Parfois, il sautait à terre et marchait en tenant son cheval par les rênes. Curieusement, bien qu’il fût arrivé avec le nouveau contingent, il n’avait intégré aucun régiment, ne s’était présenté à aucun général. Il semblait ne connaître que Cléarque.

7
    L’armée poursuivit sa marche le long de la mer, traversa un premier fleuve, puis un second dont j’ai oublié le nom – que Xéno, en revanche, nota soigneusement – et atteignit Issos, une petite ville dotée d’un port naturel. Xéno pensait que Cyrus avait d’abord choisi Tarse et que, ne voyant pas arriver les navires, il avait continué sa route afin de gagner du temps et de les attendre au port suivant.
    La flotte, commandée par un amiral égyptien, débarqua environ sept cents guerriers, qui portèrent le nombre des soldats à treize mille trois cents.
    Je n’ai jamais compris pourquoi, lorsqu’ils devinrent célèbres, on les appela les « les Dix Mille ». Ils ne furent jamais dix mille, ou, en tout cas, personne ne le remarqua quand ils le furent. Peut-être parce que c’est un chiffre impressionnant. Il évoque une masse consistante et compacte, un groupe important sans être innombrable, proportionné, comme tout ce qui caractérise les Grecs.
    L’armée avança jusqu’à un barrage qui bloquait l’accès aux Portes de Syrie, un passage entre mer et montagnes. Il s’agissait d’une forteresse importante, dotée de doubles remparts. Il devait être facile, pour une armée déterminée, de la tenir indéfiniment. Et pourtant, elle tomba sans coup férir. Le général perse qui l’occupait préféra se retirer, alors qu’il disposait de troupes puissantes et redoutables.
    Quand Xéno me le raconta, je lui demandai pourquoi le général perse s’était comporté de la sorte : s’il était resté à son poste, s’il avait repoussé l’armée de Cyrus, ne se serait-il pas couvert de gloire aux yeux de son seigneur ?
    Les individus qui détiennent de hautes responsabilités engagent leur fortune et leur destin sur une seule action, me répondit Xéno. S’ils sont vaincus, il ne leur reste plus qu’à se tuer pour éviter une terrible punition. En unissant ses forces à celles du Grand Roi, il lui manifestait sa fidélité, et le risque retombait sur les épaules du souverain en personne. Tel était sans doute le projet du général : rejoindre son roi et se libérer d’une responsabilité trop lourde.
    On arriva ainsi à une belle ville côtière, la dernière avant d’affronter le col du mont Amanus qui sépare la Cilicie de la Syrie. Dès lors, les Grecs quitteraient la mer, et il serait impossible de prévoir combien de temps s’écoulerait avant qu’ils la revoient.
    La mer.
    Les Égyptiens l’appellent « le Grand Vert », expression merveilleusement poétique. À l’époque de ma rencontre avec Xéno au puits de Beth Qadà, personne, parmi les habitants des cinq villages de Parysatis que je connaissais, ne l’avait vue. Certains l’avaient entendu décrire par des marchands. Xéno me la dépeignit dès que je fus capable de comprendre sa langue : une immensité liquide, infatigable, aux mille voix, aux reflets infinis, miroir du ciel et de ses nuages galopants, tombe d’audacieux navigateurs qui l’avaient défiée en partant à la recherche d’une vie meilleure, en sillonnant sa surface trompeuse, en suivant son horizon fuyant. La mer : demeure d’innombrables créatures écailleuses, de monstres, capable d’engloutir un navire entier, sujets d’une divinité mystérieuse au pouvoir infini qui vivait dans ses abysses. Une divinité également liquide, verte et transparente. Perfide.
    Xéno me raconta qu’on

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