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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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ensuite ?
    — Hélas non. Il s’est éloigné sans mot dire.
    — C’était un des nôtres ? Peux-tu me le décrire ?
    — Il avait un corps d’athlète plus que de guerrier, des cheveux dorés et lisses qui couvraient une partie de son front, des yeux bleus comme le ciel et un regard de glace.
    — Ménon de Thessalie.
    — Qu’as-tu dit ?
    — L’homme qui t’a sauvé la vie est un des généraux de l’armée grecque, un guerrier formidable, un impitoyable exterminateur.
    — Mais il est beau comme un dieu et il m’a sauvé la vie. J’aimerais pouvoir mieux le connaître. Une caresse savante fait parfois surgir chez un homme des aspects cachés, insoupçonnables.
    — Je te comprends. Tu as besoin d’être protégée et tu n’as pas envie de tomber entre les pattes d’un être désagréable ou répugnant. Mais fais attention, Ménon n’est pas du genre à se laisser domestiquer. Ce sera comme si tu caressais un léopard.
    — Je ferai attention.
    — Bien. Je m’en vais. Comment t’appelles-tu ?
    — Mélissa. Reviendras-tu me rendre visite ?
    — Dès que je le pourrai. En attendant, sois prudente et sors bien couverte. Oui, même s’il fait chaud. Cela vaut mieux, crois-moi.
    — D’accord. J’espère te revoir vite, Abira.
    — Moi aussi. Bonne nuit. »
    Je regagnai ma tente. Xéno m’y attendait.
    Je l’interrogeai sur la réunion avec les chefs asiatiques. Il me répondit qu’ils avaient juré de se soutenir mutuellement. Ariée était blessé, mais pas gravement, il semblait décidé à placer les deux armées en sécurité. Il n’était pas envisageable de rebrousser chemin. Nous avions affronté à l’aller une route jonchée de périls, malgré le ravitaillement dont les troupes disposaient. Elle serait impraticable, au retour, sans provisions. Mieux valait emprunter un itinéraire plus long, traversant des lieux où il serait possible de trouver des moyens de subsistance. Le plan qui avait été arrêté prévoyait de se déplacer le plus vite possible en poussant le Grand Roi à faire des choix compliqués ou dangereux. Pour éviter de se laisser distancer, il lui faudrait marcher avec un contingent réduit, ce qui était très risqué ; en dépêchant à notre poursuite l’armée qui avait défait Cyrus, il prendrait du retard.
    « C’est un plan excellent, me semble-t-il », déclarai-je. Il sourit. Le fait qu’une femme approuvât la décision du conseil de guerre n’avait guère d’importance, mais je ne pouvais m’empêcher d’exprimer mon point de vue. Avant de me coucher, je pris la lampe et rangeai nos affaires sur le chariot pour éviter de perdre du temps au moment du départ. Nous disposions du nécessaire pour nous laver, à l’intérieur de la tente. Je veillais à ce que nous ayons toujours un broc plein. Quand l’eau manquait, je lavais Xéno à l’aide d’une éponge humide, que j’utilisais ensuite pour ma propre toilette. Il nous semblait que nous dormions mieux, une fois débarrassés de la poussière de la journée. Nous oubliions aussi la faim qui nous tenaillait de plus en plus au fil des heures et des jours. Nous économisions les provisions parce que nul ne savait quand il serait possible de nous ravitailler et parce que nous partagions le peu que nous avions avec ceux qui n’avaient rien.
    Je racontai à Xéno que j’avais fait la connaissance de Mélissa, la fille qui avait jailli toute nue du pavillon de Cyrus, et lui rapportai les moyens de dissuasion que Ménon de Thessalie avait mis en œuvre devant sa tente.
    Il s’abstint de tout commentaire. Il eût été incapable de dire quoi que ce soit à ce sujet.
    J’ai fini par penser que son maître lui avait transmis un sentiment éthique si profond que Ménon, cet être profondément immoral, l’effrayait plus qu’il ne le répugnait.
    Le lever du soleil et les sentinelles de la dernière ronde nous réveillèrent. Nous nous mîmes aussitôt en route. Le paysage avait beaucoup changé. Le terrain était verdoyant, traversé de canaux qui irriguaient les champs. Des palmeraies signalaient, au loin, l’emplacement de centres habités.
    Nous marchâmes toute la journée, nous éloignant de plus en plus du champ de bataille. Le soir, nous établîmes le campement près d’un groupe de villages. Ils n’étaient pas très différents de ceux de la Ceinture : de modestes constructions en briques crues, aux toits en palmes, des enclos renfermant ânes, brebis et

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