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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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temps avec l’armée de Tissapherne et avait interrompu tout contact avec notre état-major… »
    Au fur et à mesure qu’il parlait, les guerriers se rapprochaient, d’abord par petits groupes puis par régiments entiers. Nombre d’entre eux se présentaient armés de pied en cap, afin de montrer qu’ils n’avaient pas peur. Tandis que je jetais un regard circulaire, je vis un cavalier surgir de l’obscurité et s’immobiliser à la limite du campement.
    Xéno poursuivait son discours : « Nous ne pouvons attendre le coup de grâce sans réagir. Certes, il nous est impossible de sauver nos généraux. À l’heure qu’il est, ils ont peut-être déjà péri, et je souhaite qu’ils aient eu une mort rapide, digne de guerriers. Mais nous devons penser à l’avenir, au retour, à la longue route qui nous sépare de notre patrie… »
    J’entendis un soldat demander à son voisin : « N’est-ce pas l’écrivain ?
    — Oui, c’est lui. S’il a un plan pour nous sortir de cet enfer, il vaut la peine de l’écouter.
    — Non loin d’ici, continua Xéno, un garçon éventré gît sur une natte. Les médecins ignorent s’il sera encore en vie demain, ou déjà descendu dans l’Hadès. Vous l’avez vu, il a eu le courage de venir jusqu’ici malgré sa blessure afin de lancer l’alarme et de nous sauver d’une attaque ennemie. Nous ne pouvons permettre que son sacrifice soit vain, nous devons être dignes de son courage surhumain. Je propose de nous réunir en assemblée et d’élire de nouveaux généraux et de nouveaux chefs de bataillon afin de remplacer ceux que nous avons perdus. Vous m’avez vu me battre à Counaxa, alors que je n’appartenais pas à votre armée. C’est Proxène de Béotie qui m’avait invité à le suivre. J’étais auparavant officier de cavalerie et je sais comment organiser ce type de régiment. Cela nous sera utile pour inspecter les défilés, pour occuper les cols qu’il nous faudra emprunter, pour procéder à des reconnaissances sur le terrain et nous protéger contre d’éventuelles embuscades, pour poursuivre nos ennemis en fuite et faire en sorte qu’ils ne nous menacent plus. »
    Le cavalier poussa son cheval et gagna le chariot sur lequel se tenait Xéno. C’était Sophos, bien entendu.
    Peut-être pensait-il que son moment était venu : il semblait agacé par l’initiative de Xéno.
    « Et où irons-nous, Athénien ? interrogea-t-il.
    — Où irons-nous ? Nous n’avons pas le choix. Il est impossible de rebrousser chemin, impossible de nous diriger vers l’est, car cela nous éloignerait de notre but et nous conduirait dans le cœur de l’Empire, impossible d’aller à l’ouest parce que c’est la direction que prendront l’armée de Tissapherne et celle du traître Ariée. Il nous faut donc opter pour le nord, traverser les montagnes et rejoindre nos villes sur le Pont-Euxin. De là, il sera facile de trouver des navires qui nous ramèneront chez nous.
    — Un plan excellent. » Sophos sauta à terre et rejoignit Xéno. « Y a-t-il des questions ou des objections ? »
    Un murmure parcourut la foule. Jusqu’alors, Sophos s’était toujours tenu à l’écart et avait rarement été consulté. Les soldats ignoraient même s’il avait pris part à la bataille de Counaxa. Je savais, quant à moi, qu’il ne l’avait pas fait. De plus, il s’était éclipsé pendant certaines périodes au cours de notre expédition. Nul doute, son tour était arrivé à présent.
    Je m’étais souvent interrogée sur le rôle qu’il jouait. C’était l’homme qui observe afin de rapporter, l’homme de réserve pour le cas où les choses tourneraient mal, un individu énergique, intelligent, courageux et rusé, capable d’entraîner les autres dans son sillage. Il se tenait maintenant sur le chariot en compagnie de Xéno, vêtu de son armure et d’une cape noire. C’était un signal évident, et personne n’entendait l’ignorer, personne d’autre ne revendiquait le commandement.
    Un de nos interprètes indigènes intervint : « J’ai entendu dire qu’il n’y a pas d’issue au nord. Le climat est très rigoureux, le territoire une succession de cimes élevées et de gorges encaissées, de fleuves qui tourbillonnent, d’immenses glaciers. Dans ces contrées désolées vivent des tribus sauvages, férocement attachées à leurs terres, indomptables. On raconte qu’une armée du Grand Roi comptant cent mille hommes s’y

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